68%. C’est le pourcentage qui indique la baisse des arrivées de touristes internationaux en Europe pendant l’année 2020 selon les données de l’organisation mondiale du tourisme.
Un an après, à l'heure de la levée progressive des restrictions sanitaires, la reprise du tourisme se prépare dans tous les pays européens. La pandémie aura montré les limites et les fragilités d’une économie touristique qui, dans certaines villes européennes comme Amsterdam, Venise ou Barcelone, cause des dégâts énormes en termes environnementaux et sociaux.
Tourisme de masse à Venise : un débat sans fin
A Venise les données sont claires : alors que le nombre de touristes par an est passé de 2 millions à 12 millions entre 1955 et 2019, la population du centre historique a dégringolé, passant de 175000 à 56000 dans la même période. Face à ces chiffres, la mairie a entamé des politiques, pour le moment jugées encore trop timides, pour encourager les personnes, et notamment les jeunes, à rester à Venise. Paola Mar, maire adjointe de Venise en charge du patrimoine et de la promotion du territoire, nous donne un exemple : “La mairie a signé un protocole avec les Universités et les gestionnaires de logements à destination touristique pour louer des appartements aux étudiants qui veulent résider en ville. Rien qu’à l’Université Ca’ Foscari de Venise, la population étudiante est de 23000 personnes. Moi, je crois, et j’en suis même persuadée, que Venise s’est aperçue des limites de la monoculture touristique.”
Le passage des paquebots dans la Lagune et ses dégâts
L’un des problèmes majeurs liés à cette monoculture touristique à Venise est le passage des navires de croisière dans la Lagune.
Ces énormes bateaux, avec leurs 60 mètres de hauteur et plus de 300 de longueur, sont absolument disproportionnés par rapport aux fragiles palais vénitiens.
La question a pris une ampleur nationale et récemment, le gouvernement italien a donné le coup d’envoi au plan pour interdire définitivement le passage de ces navires dans le bassin de Saint Marco. Pour le moment, les navires au-dessus de
40 000 tonnes ne peuvent pas passer dans le centre historique. Paola Mar détaille une proposition alternative soutenue par l’administration de la ville : “Maintenant, nous réfléchissons à déplacer les croisières à Marghera, à travers le creusement d’un nouveau Canal, le Canal des Pétroles, et un port off-shore qui pourrait voir le jour d’ici 20 ans”.
Toutefois, cette proposition alternative ne réglerait pas l’un des dégâts majeurs liés au passage de ces énormes navires, soit l’érosion des fonds marins dans la Lagune et la pollution. C’est l’avis du Comitato No Grandi Navi, un mouvement qui milite depuis 2012 pour bannir complètement le passage des navires de croisière de la Lagune. Les membres du Comité mettent en avant les risques de santé publique liés à la présence des navires dans la Lagune. Ces bateaux constituent en effet la première source de pollution de l’air à Venise. Et le mouvement rappelle que, d’après le Parlement européen, la pollution dégagée par les navires est responsable de 50000 morts par an en Europe.
Bref, la question est délicate. Et ce n’est pas la seule question qui reste sans réponse pour mettre au point un modèle de tourisme plus durable à Venise et en Europe. Une réflexion et une action de grande envergure est alors jugée indispensable de la part des autorités locales, nationales et même européennes.
Crédit photo : Rémy Beaupérin