La recherche d’un vaccin contre la covid 19 est en cours en Europe et dans le monde. Alors qu’on imagine les chercheurs travailler ensemble pour le bien de l’humanité, il s’avère qu’en réalité plusieurs pays sont engagés dans une course au vaccin d’état pour avoir d' énormes avantages technologiques et économiques. On se souvient des déclarations confiantes de Donald Trump aux États-Unis ou encore de Vladimir Poutine en Russie il y a quelques mois.
Avant de traiter cette question, Bruno Canard, vous êtes directeur de recherche à l’Université Aix-Marseille, expert des virus émergents, comment le Sars-Cov 2, ou corona virus, entre en contact avec notre corps?
Le coronavirus rentre par deux voies: une voie respiratoire et également avec une surface contaminée, donc quand on mange le coronavirus peut se déposer en général sur les mains, les poignets, etc.
La Covid est un virus ARN, du même type que l'hépatite C ou la rougeole. Est-ce que ça veut dire qu’il est plus virulent par rapport aux virus à ADN, comme la varicelle?
Le matériel génétique c’est la copie de son chromosome. Il y a des virus qui sont des virus ARN: il y en a beaucoup qu'on connaît, par exemple le virus de la grippe, de l'hépatite C, etc. La particularité de ces virus c’est que leur matériel génétique évolue plus rapidement que le matériel génétique ADN: ça veut dire s'adapter à un nouvel environnement.
Le coronavirus peut avoir des réplications qui arrivent dans les cellules humaines donc il y a un franchissement d'espèces, comme plusieurs virus émergentes.
Vous avez alerté depuis des années sur l’inexorable accélération de l'émergence des virus. Quels ont été les éléments qui vous ont fait rendre compte des risques croissants?
Donc les éléments déclencheurs on les connaît: ils ont commencé à être étudiés à partir du moment où on s'est aperçu qu'il commençait à avoir une fréquence qui augmentait de virus émergents, qui crée des événements épidémiques.
Depuis une trentaine d'années on s'est aperçu de ça et il y a plusieurs raisons: d'abord, la première c'est qu’on les détecte mieux; la deuxième chose c'est que les transports se sont très intensifiés, donc une personne infecté est capable un jour de parcourir une somme considérable de kilomètres pour pouvoir éventuellement transmettre le virus ailleurs; la troisième cause vraiment est un attentat à la biodiversité sur la planète qui fait que par destruction, la plupart du temps, des zone d'habitat des virus, on perturbe un équilibre des virus et des espèces qui les héberge qui fait que les espèces migrent avec le virus; la quatrième c’est le changement climatique qui lui-même induit des changements de répartition des espèces, en particulier des insectes, qui porte les virus. Effectivement si la température s'accroît, les moustiques qui vivent jusqu'à une certaine température dans l'hémisphère nord et remontent jusqu'à une certaine température, et bien ils vont monter plus haut dans l'hémisphère nord avec leurs virus.
À cause de cette course au vaccin que j’ai mentionné dans l’introduction, il y a le risque concret de négliger certains aspects essentiels de la recherche. Vous partagez cette vision?
Imaginez qu'on vous dit “il faut que vous construisez une voiture, réaliser un moteur, mettre tous les pièces, la tester etc” et il faut 50 jours, et puis vous trouverez quelqu'un qui va vous dire “moi, je vais le faire en 15 jours”, donc vous aurez des problèmes.
Pour les vaccins c'est la même chose: si on fait quelque chose qui est sérieuse, c'est-à-dire qui va être 100% protecteur, si vous voulez un test complet des effets secondaires, il faut de longues études et on ne peut pas couper.
Donc vous trouverez toujours des gens qui vont vous dire “oui, on va le faire”, mais ça sera un vaccin qui aura une prise de risque extrêmement importante sur l'efficacité, sur les effets secondaires, etc. Voilà, c'est tout simplement du bon sens, il y a des taches qui semblent incompressibles, mais on peut pas comprimer plus que possible.
On voit qu’il y a 170, au moins, compagnie, qui s'engagent dans la course, qu’il y aura relativement peu de vainqueur, et qu'ils auront dépensé des milliards alors que ces milliards auraient pu être dépensés de manière beaucoup plus concerté et beaucoup plus intelligente que dans une course compétitive.
Ce phénomène de vaccin d’état est important aussi quand on parle de l’Union Européenne, qui devrait jouer un rôle de médiateur pour le profit de tous les pays membres. Quel est le comportement de l’Union?
L'Europe joue un rôle qui est important dans la Fédération de la recherche: en particulier à travers le grand programme cadre, les appels d'offres qui permettent d'établir des structures communes, des projets collaboratifs, etc. En même temps, l’Europe fait des choses qui sont un peu précipités: je pense par exemple à l'entreprise allemande qui a dit qu'il avait un vaccin à base d’ARN et en 3 jours elle a reçu une subvention européenne, un crédit je sais plus de 80 million d'euros, sans concertation, sans rien.
Donc, oui, l’Europe a un rôle à jouer, également dans l’anticipation et non pas dans la précipitation et la réaction. Malheureusement, tous les appels d'offres européen en ce qui concerne la recherche académique sont assez peu préventifs sur la recherche fondamentale, ils sont préventifs pour les recherches sur “où sont les virus”, quelle est la préparation à la prochaine pandémie, mais par contre la recherche académique fondamentale n'est plus aussi soutenu dans la mode mode de prévention.
Et entre les pays membres y a-t-il une collaboration?
Dans 2 projets européens au laboratoire qui sont des consortium qui comprennent des Hollandais, des Allemands, des Belges, des Italiens, des gens de tous les pays membres et donc on a effectivement une bonne dose de collaboration dans ces projets sur le coronavirus.