Le musée Escal' Atlantic profite de ce mois de janvier sans public pour nettoyer et restaurer certaines œuvres, dont quatre panneaux emblématiques de la période art déco, dessinés et réalisés par Jean Dunand et restaurés ces jours-ci par Anne Jacquin.
L’Ecomusée de Saint Nazaire conserve 4 panneaux de laque précieux, emblématiques de l’art déco et réalisés par le plus grand des artistes décorateurs laqueurs des années 1920-1930 à savoir Jacques Dunand.
Tiphaine Yvon est responsable du pôle patrimoine à Saint-Nazaire Agglomération Tourisme.
"Jean Dunand est un artiste décorateur majeur d’art déco avec un parcours très particulier, puisqu’il a été formé comme dinandier, c'est quelqu’un qui travaille le cuivre. Puis il devient maitre laqueur. Il va créer des décors, du mobilier, des bijoux. Toutes sortes d’objets d’art décoratif qu’il va emmener à un point d’excellence aussi bien d’un point de vue esthétique que technique.
Ces 4 panneaux, issus de l’ensemble décoratif “La Chasse” ont été réalisés pour le salon fumoir de 1ère classe du Paquebot Normandie, mis en service en 1935 et fabriqué à Saint-Nazaire. 4 panneaux qui étaient la partie centrale d’un grand ensemble intitulé la chasse, qui était une paroi coulissante de ce salon. On ouvrait intégralement cette paroi qui faisait 8 mètres de long, ce qui permettait d’avoir une enfilade sur deux salons. Deux des panneaux conservés ici sont propriétés du Musée des Arts décoratifs et les deux autres propriétés de la ville de Saint-Nazaire, collection de l’Ecomusée.
Ce sont des œuvres fragiles qui nécessitent régulièrement l’intervention d’une restauratrice pour éviter une plus grosse restauration ultérieure. Et préserver ainsi l’œuvre d’origine".
Démontés du paquebot Normandie avant son incendie dans le port de New-York en 1942, les 4 panneaux de Saint-Nazaire sont extraits d’un ensemble intitulé La Chasse
"Les panneaux de la chasse ont été dispersés. Les deux portes battantes qui permettaient d’accéder à ce salon quand la paroi n’était pas grande ouverte sont dans un hôtel à New-York. Les autres pièces sont dans des collections privées. Ce qui n’est pas forcément le cas pour les ensembles où il y avait d’autres scènes, comme le sport, la conquête du cheval, les vendanges, la pêche…Le sport est conservé au Musée d’Art moderne de Paris, d’autres sont à Marseille et au Havre.
Ces panneaux sont réalisés sur un support, sorte de stuc, mélange d’argile fine et de plâtre, coulé à l’intérieur d’un châssis puis sculpté en creux après séchage. Après l’application au pinceau de plusieurs couches de laque colorée puis incolore, des feuilles d’or sont appliquées, recouvertes de laque ou de vernis. Elles sont plus ou moins poncées pour obtenir des nuances avant l’application de couches de laque et un ponçage à la main avec une poudre abrasive très fine."
Anne Jacquin, diplômée de l’Institut National du Patrimoine est restauratrice agrée musée de France. Elle connait bien ces laques pour les avoir restaurée en 2009 avant leur présentation au public d’Escal’Atlantic. Des panneaux réalisés selon la méthode de la laque européenne, différente mais copiée de la laque asiatique.
"La laque asiatique est réalisée avec la sève de l’arbre à laque qu’on trouve uniquement en Asie. Toute l’Asie faisait de la laque mais aujourd’hui certains pays ne maitrisent plus la technique. La laque européenne est venue bien plus tard. Elle est venue d’abord en imitation de la laque asiatique, parce qu’il y a eu un engouement au XVIIe siècle.
La noblesse a été complètement fascinée par les objets et les meubles en laque asiatique, parce que c’était difficile de les faire venir. Les ateliers parisiens, qui étaient plutôt des ateliers de vernisseur, ont profité de cet engouement, ont essayé de comprendre cette technique et de l’imiter avec les matériaux qui existaient en Europe.
Donc les laques européennes ne sont pas du tout faites avec la sève de l’arbre à laque. Elles sont faites avec une multitude de résines. Ce ne sont pas les mêmes produits mais c’est la même idée du procédé. C’est-à-dire ce travail de support qui est recouvert de couches de préparation un peu épaisses et ensuite un fond coloré fait d'une multitude de couches, et par-dessus ce fond coloré on a un décor. C’est la construction de la laque asiatique reprise en Europe au XVIe et XVIIe.
Après on a une évolution avec les laques reprises en 1920-1930, avec d’autres produits. Elles vont être plus variées dans les procédés. Mais on a toujours cette idée d’un support bien préparé avec des couches de préparation et ensuite une multitude de couches de vernis ou de résines."
Les panneaux laqués de Jean Dunand seront de nouveaux visibles à l’Escal Atlantique à compter du samedi 5 février, début des vacances scolaires d’hiver pour la zone B et jour de réouverture de l'Ecomusée de Saint-Nazaire.
Un reportage de Cécile Dauguet / Crédits photos @Saint-Nazaire Agglomération Tourisme