On pense toujours aux migrants comme ceux qui échappent à la guerre, mais, comme le ministère de l'intérieur montre, 66% des migrants se déplace pour raisons familiales ou d’étude. On peut migrer aussi pour des raisons économiques ou environnementales. En fait, Il n’existe pas de définition juridiquement reconnue du terme « migrant ». Selon les Nations Unies ce terme désigne « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ».
Bien que le nombre de décès ait diminué de moitié l’an dernier, selon l’Organisation internationale pour les migrations, la Méditerranée reste la route migratoire la plus mortelle du monde avec 1371 morts en 2019.
On voit des nombres qui change rapidement: si d’un côté l’Italie et l’Espagne ont vu une réduction de moitié du nombre des arrivés, de l’autre côté la Grèce a doublé ses chiffres. Nous avons déjà abordé ce sujet avec Petra Baeyens du ECRE.
Malheureusement, ces migrants ne sont pas accueillis de la même manière dans les Etat membres de l’Union. Afin de remédier à ce déséquilibre, la Commission Européenne a récemment présenté le Nouveau Pacte sur la migration et l’asile. Nous allons essayer d'évaluer ce pacte par rapport à la situation française et locale, avec notre invité Yves Pascouau, chercheur senior associé à l’Institut Jacques Delors et Directeur des programmes Europe chez Res Publica Lyon. Bienvenue.
Je commence par des chiffres: selon Eurostat, au niveau national, les demandes de protection internationale accueillies positivement en 2019 ont été de 295.000 dont 116.000 en Allemagne et 42.000 en France. Donc, comment expliquer cette énorme différence entre ces deux états?
Ce qu'il faut voir c’est que les autorités françaises ont accordé la protection internationale, soit l'asile, soit le statut de réfugié, soit la protection subsidiaire à 42000 personnes.
Les différences qui existent entre les deux états elles tiennent essentiellement à la nationalité de demandeur d'asile qui ont déposé leurs demandes: si vous avez par exemple 80% - 90% de demandeurs d'asile syriens dont le taux de reconnaissance est excessivement élevé, vous avez donc mécaniquement un nombre important de demandeurs d’asile qui demandent une protection.
La différence si vous avez dans vos demandeurs d'asile un nombre des personnes qui viennent de pays dont la protection n’est pas importante, alors vous avez effectivement un taux de reconnaissance qui est beaucoup moins important.
Les principaux pays de provenance des demande d'asile en France sont: l’Afghanistan, l'Albanie, la Géorgie et la Guinée. Donc des pays dont le taux de reconnaissance du statut de réfugié n'est pas aussi important que celui qui est accordé par exemple aux ressortissant syrians.
La différence qu'on voit en terme de volume entre l'Allemagne et la France tient essentiellement à la nationalité de demandeur d'asile, ça c'est le premier point.
Le deuxième point ce sont les taux de reconnaissance par nationalité et si on regarde ce taux de reconnaissance on voit en réalité que l'Allemagne, la France, mais aussi de nombreux pays européens ont un taux de reconnaissance qui est largement équivalent ou similaire.
Ce que je veux dire par là c'est que la France, l'Allemagne et les autres pays reconnaissent la qualité de réfugiés à un nombre équivalent de syriens, afghans, etcetera. Donc c'est ça l'élément le plus important à prendre en considération au delà du nombre.
Les statistiques que j’ai mentionnées se réfèrent à ceux qui sont, justement, accueillis. Mais quel est le destin de ceux qui sont refusés?
La question des déboutés du droit d'asile doit être traité et envisagé de deux manières différentes: soit la personne est débouté du droit d'asile mais peut rester sur le territoire parce qu'elle peut tirer un autre droit de type humanitaire (on peut imaginer que la personne ait par exemple des problèmes de santé qui empêche son éloignement dans son pays d'origine et auquel cas on lui accorde un statut) soit la personne est débouté du droit d'asile et ne peut tirer aucun droit. Donc elle reçoit une obligation de quitter le territoire et à ce titre est éloigné, soit de manière volontaire, soit de manière contraint.
Quels sont les difficultés à garantir un véritable éloignement du territoire?
La difficulté c’est que lorsque la personne est débouté de sa demande d'asile et quand lui notifie une obligation de quitter le territoire, l'exécution de cette décision de quitter le territoire n’est pas nécessairement exécuté. De manière générale environ 40 % des décisions d'éloignement sont effectivement exécutées. 60 % reste en situation irrégulière et dans ce 60 % il y a certaines personnes qui sont régularisés et d'autres personnes qui bénéficient à moment donné d’un dispositif de soutien.
Liée à ma dernière question, on a vu la situation au square daviais, le gymnase à Saint Herblain. Et je me demande qu’est-ce que les villes peuvent faire pour éviter cette situation de malaise? C’est une question de répartition de compétences?
La compétence pour la reconnaissance du statut de réfugié appartient à l’office français de protection des réfugiés et apatrides, qui est une autorité centrale et l’appel est introduit devant un Cour nationale du droit d'asile. C’est à dire que les collectivités locales et territoriales n'ont pas leur mot à dire sur la reconnaissance du statut de réfugié. Les villes n’ont pas de compétences pour intervenir. Les demandeurs d'asile relève pour l'accueil de la compétence exclusive de l'État, mise à part le cas particuliers des mineurs non accompagnés.
Donc, la compétence exclusive appartient à l'Etat et c’est à l'Etat d’organiser l’accueil des demandeurs d’asile. Maintenant, on voit bien qu’au niveau national la situation est différente, parce que 52 % des demandeurs d'asile ne sont pas inclus dans ce qu'on appelle le “dispositif national l'accueil”: c'est-à-dire l'hébergement qui est déployée par l'État sur le territoire; autrement dit, un demandeur sur deux n’est pas hébergé dans une structure de l'Etat, il est soit hébergé par des collectifs soit par des membres de la famille soit, tout simplement, à la rue.
Ceci étant dit, les communes ne sont pas non plus insensible à cette situation et ils participent, d'une manière ou d'une autre, à l'accompagnement des demandeurs d'asile quand cela est possible.
À propos du nouveau pacte sur la migration et l’asile: quelles sont les nouveautés présentées et ses points principaux de rupture avec le passé ?
La Commission européenne a présenté la semaine dernière 1000 pages de texte législatif. Donc, il y a évidemment des nouveautés dans ce texte, certaines qu’on peut considérer comme étant positives, mais il y a aussi une grande continuité, à mon avis, dans le Pacte qui a été présenté par la Commission européenne: au fond, elle a essayé de modifier quelque chose qui ne marchait pas et de présenter une proposition politique et législative qui satisfasse à peu près tout le monde.
Donc, en gros la Commission européenne a présenté un cote mal taillé, qui assume, de mon point de vue, une continuité par rapport au chemin politique montré par les Etats membres depuis 2015-2016. C’est à dire, une ligne politique, exclusivement ou essentiellement axée sur le control des frontières, sur le retour des personnes en situation irrégulière, sur la réduction des droits des demandeurs d'asile et l'accélération des procédures.
Donc, ici on a une affiliation très grande de la commission par rapport à ce schéma politique même s’il faut reconnaître à la Commissione européenne sa volonté d’essayer d’ouvrir un petit peu le débat, mais je doute que ce débat là s’ouvre parce que ce projet va être maintenant soumis à l'évaluation et à la négociation entre les institutions européennes, qui a mon avis, risque d'être long, douloureuse et complexe.
Et donc, comment, selon vous, ce pacte donnera des réponses concrètes aux collectivités locales?
Le Pacte a comme principal objet de poser les lignes politique et les actes, les propositions juridique: c’est à dire former le cadre juridique de l'Union européenne qui lui-même sera mis en œuvre par les États. Spécifiquement, les collectivités ne sont pas identifié: peut-être des ressources seront trouvé dans les éléments financiers; peut-être que la Commission européenne envisage de doter les collectivités locales qui accueillent sur leur territoire des demandeur d'asile, des réfugiés et d’autres personnes, d'un soutien financier beaucoup plus important de manière à ce que le phénomène migratoire, qui est géré au niveau global, puisse aussi trouver des réponses au niveau locale.