Donner une voix à un fleuve. L’idée paraît peut-être saugrenue voire surréaliste mais elle est pourtant au cœur des réflexions d’une “Commission pour un parlement de Loire.” Depuis fin 2019, cette commission, composée d’un groupe d’universitaires et d’artistes, tente d’imaginer à quoi pourrait ressembler une telle institution où s'exprimeraient les entités qui composent et habitent l'écosystème de la Loire. Cette expérience intellectuelle inédite se déroule à côté de Tours au sein du Pôle art et urbanisme appelé “POLAU”.
Euradio a rencontré Maud Le Floc'h, la fondatrice et directrice de cette structure.
Pourquoi parler d’un parlement de Loire et non pas d'un parlement de la Loire ?
Maud Le Floc'h : Nous avons enlevé l'article, non pas pour personnifier la Loire mais pour parler du fleuve de façon plus emblématique et symbolique de ce qui se joue aujourd'hui. La Loire est le dernier fleuve naturel d'Europe. Il nous présente dans son visuel un grand paysage, il nous envoie aussi des informations de crues, de sécheresses... Il nous envoie donc dans le visuel aussi la question de l'alerte, des menaces, des bouleversements climatiques. C'est cette Loire là que nous racontons et que nous mettons en parlement d'où le parlement de Loire, plus que le parlement de la Loire. La nuance est d'importance.
Comment est née cette idée de parlement de Loire ?
C'est une idée qui est née du POLAU. Nous sommes urbanistes, nous travaillons dans le domaine de l'aménagement du territoire et de l'ingénierie territoriale. Nous sommes au contact de ces acteurs qui sont autour des questions environnementales et de transition des territoires. Par ailleurs, nous convoquons régulièrement le monde de la création artistique. Nous avons créé un programme en 2019, "artiste ingénieur". Au sein de ce programme, nous avons souhaité mettre en contact un artiste et des ingénieurs sur cette question de culture du fleuve. Cette hypothèse a atterri en rencontrant l'écrivain juriste Camille de Toledo. Il a écrit toute une série de projets autour d'institutions fictionnelles. Il nous a proposé de mener des auditions, comme on mène quand on fait un rapport d’enquête parlementaire, et de réunir une commission. Avec cette commission, se sont déroulées quatre séries d'auditions, longues et publiques, qui évoquent quelle pourrait être la voix de ce fleuve, quelles pourraient être les mises en dialogue entre les entités qui constituent le fleuve : les composantes eau, matière, végétaux, espèces...
Quelles grandes idées sont sorties de ces auditions ?
La grande idée qui sort de ces auditions, c'est d'aller vers une institution inter-espèce. Une institution inter-espèce avec des représentations de ces différentes espèces par des voix humaines. Il y a mandat à des humains pour qu'ils puissent se mettre à la place d'une espèce qui se met en dialogue avec une autre espèce et qui aborde les questions de changement d'étiage, de sécheresse, de conflits liés à des aménagements de Loire. C'est qu'ils puissent être représentés dans le cadre des politiques de gestion du fleuve, les schémas directeurs d'aménagement de l'eau mais aussi le plan de gestion de la protection du fleuve au titre de patrimoine mondial de l'UNESCO. Donc c'est retourner la façon dont est traité le fleuve à travers des voix qui viennent du sol, du fleuve, du milieu et de l'environnement ligérien.