Nous sommes avec Elise Jaunet, la coordinatrice du projet «Bibliothèques Vivantes» pour l’association Trait-Portraits. L'association organise, le samedi 7 mars, une nouvelle édition ; cette fois-ci sur « les réalités des réfugié.e.s », dans le cadre des Semaines d’éducation contre toutes les formes de discriminations qui ont lieu à Nantes depuis jeudi.
Qu’est-ce qu'une “bibliothèque vivante” ?
« L’idée c’est de reconstruire une bibliothèque, mais au lieu d'aller emprunter des livres, on va rencontrer des personnes. […] Et donc par la rencontre et par la discussion, il peut se passer des choses qui ne se passeraient pas nécessairement sur un mode plus argumentatif. On transforme des personnes en livres vivants. »
Comment cela marche précisément ?
« Le Jour J quand les participants viendront à l'atelier, il y aura une table avec des bibliothécaires. Ils auront un catalogue qui inclut des titres de livres, des photos de personnes et des petits résumés. Le participant peut prendre ce catalogue et décider quel “livre vivant” il a envie de lire. Ensuite un bibliothécaire l’amènera jusqu'à une personne qui sera installée dans un petit coin de l’atelier. On va créer une petite scénographie avec des petits espaces pour chacun. Le participant va donc rencontrer les livres vivants pendant une vingtaine de minutes. Il échangera avec lui sur ce que la personne a préparé en avance avec nous, sur la réalité des réfugié.e.s. [...] »
D’où vous est venue l’idée de ce projet ? Vous êtes-vous inspiré d’un autre concept ou est-ce une idée totalement inédite ?
« Le concept des "bibliothèques vivants", on l’a traduit de l’anglais "human library", créé en 2000 par une association danoise qui s'appel Stop The Violence. L'idée de cette association était d’essayer de lutter contre les discriminations, les stigmatisations, les préjugés, en permettant la rencontre avec ces personnes porteuses de ces stigmas.[...] Nous sommes partis sur l'idée de cette bibliothèque parce que le côté vivant et animé nous plaisait. »
Le thème de cette édition du 7 mars est la réalité des réfugiés, comment parvenez-vous à convaincre ces personnes de livrer leur témoignage sur leur expérience ? Ca doit être difficile de se confier à des étrangers.
« Cela demande un gros travail de médiation. Je ne les convaincs pas, parce que je ne peux pas. Je rencontre pas mal de personnes, je leurs explique le projet, je me rends bien compte que ça prend du temps. Ce n'est pas facile. Ensuite nous en parlons pendant un moment, nous faisons des préparations en atelier. On n’oblige personne à se livrer. L'idée pour nous c'est de pouvoir les accompagner, à la fois réfléchir à ce qu'elles ont envie de dire et aussi ce qu'elles n'ont pas envie de dire. [...] Nous essayons de créer un espace virtuel où les gens peuvent prendre la parole et être sujet de parole.[...] Là l'occasion c'est que les personne peuvent se positionner et c'est elles qui décident ce qu'elles ont envie de dire. Nous n'avons aucune attente particulière par rapport au récit. Enfin nous ne sommes pas là pour leur dire ce qu'elles doivent dire ou pas, mais nous sommes vraiment là en soutien [...]. »
Vous avez organisé déjà plusieurs éditions, quelle était la réaction du public nantais ?
« La réaction est plutôt bonne, du point de vue de public et aussi des participants. Au début en générale, les personnes sont mal à l'aise. Aujourd'hui on est dans l'air du numérique, on est plutôt dans une phase où tout se passe derrière un ordinateur, donc créer la rencontre entre deux personnes qui ne se connaissent pas et qui n'ont aucune raison, aucun lien, à priori, de se rencontrer. Mais ça vient bouger les choses. Certains partent en disant "je ne m'attendais pas à ça, ça me perturbe" et là nous nous disons qu'on a gagné, ça veut dire qu'il y a une petite graine qui s’est plantée et après c'est à la charge de chacun de la faire évoluer dans le sens qu'il veut. [...] »
L’année dernière, l’une de vos éditions portait sur l’Europe : pourquoi avez-vous choisi cette thématique ?
« Ce sont les centres culturels franco-italien, franco-espagnol, franco-anglais, franco-allemand, et la Maison de l'Europe qui sont venus vers nous. Ils ont dit qu'ils aimaient bien cet outil, qu'ils avaient entendu parler par Alliance Europa et qu'ils aimeraient développer une dimension un peu plus humaine autour de l'Europe dans le cas de la Fête de l'Europe.[...] Et nous avons accepté de les accompagner avec grand plaisir. Nous leur avons expliqué notre méthodologie. [...]. C'était une expérience différente car nous étions sur un autre type de thématique. [...] »
Merci beaucoup, Elise Jaunet, d’avoir été avec nous aujourd’hui, vous êtes la coordinatrice du projet “Bibliothèque vivante”, qui se a lieu le samedi 7 mars.