Maud Raffray, a géré un grand nombre de structures et de projets dans la finance, dans des conseils municipaux, le Voyage à Nantes, et même en radio. Depuis elle s’est réinventée, et a créé un nouveau métier : activatrice d'égalité femme – homme….En janvier aux Bis à Nantes, Biennales Internationales du Spectacle, Maud Raffray a animé un atelier sur l’égalité femme-homme. Interview signée Julia Natri.
Est-ce que c’est différent d’activer l’égalité dans le monde de la culture que dans d’autre domaines comme l’économie ou la science par exemple ?
"Il y a beaucoup de points communs mais une des particularités dans le domaine de la culture, c’est la question très prégnante du talent et de la qualité artistique, qui est de mon point de vue une espèce de cache-sexe. Tout ce qui intéresse le monde culturel c’est la qualité et l’exigence artistique, peu importe qui est derrière, qui réalise, qui est l’artiste. C’est une idée assez difficile à combattre (…) Quand on regarde les chiffres, par exemple en musiques actuelles, on a que 15% de femmes sur scène, musiciennes et chanteuses. Si on enlève les chanteuses on tombe à 5%. Si on parle juste de l’exigence artistique ça voudrait dire que les femmes ont beaucoup moins de qualités artistiques que les hommes. Est-ce que ça voudrait dire qu’il y a un gène masculin du talent artistique ? Il n’y a plus beaucoup de gens pour oser le dire même si certains le pensent encore."
Mais qu’est-ce qui fait la qualité artistique d’une œuvre et qu’est-ce qui fait le talent ?
"C’est une construction sociale qui permet aux artistes de faire un chemin pour atteindre une certaine qualité. Ce chemin est constitué : de (bonnes) rencontres ; avoir du temps pour travailler ; avoir des moyens financiers, on ne fait pas la même œuvre musicale ou théâtrale, avec 5 000 euros de budget ou 500 000 ; avoir de la visibilité. De nombreuses études ont montré que les femmes manquent cruellement de ces 4 dimensions. Et puis dans le milieu culturel on a un peu tendance à se penser progressiste, de manière un peu innée, et du coup la question de l’égalité femme – homme a longtemps été un impensé de la profession."
Dans cette égalité femme – homme dans le domaine de la culture, comment se positionne la France par rapport à d’autres pays ?
"La culture en France ne fait pas mieux que les autres secteurs d’activité. Parfois même elle fait pire, pire que l’armée par exemple, en termes de représentation des femmes à tous les postes y compris hauts placés. La culture est souvent le reflet de ce qui se passe dans les autres secteurs de la société. C’est vrai aussi dans les autres pays en Europe."
Qu’est-ce qui est fait au niveau européen pour faire changer les mentalités ?
"Il existe le programme Keychange, créé à l’initiative d’une fondation anglaise et qui est soutenu aujourd’hui par la Commission Européenne de manière significative avec un financement à hauteur de 1,4 millions d’euros ! Ce programme a deux dimensions. La première, de proposer un engagement via une charte et un accompagnement pour tous les festivals et organisations musicales qui voudraient se mettre en marche pour parvenir à un objectif de parité dans la programmation entre les femmes et les hommes d’ici 2022. La deuxième dimension c’est la sélection chaque année de 37 femmes de la filière musicale, artistes et innovatrices, qui sont accompagnées pour leur carrière. Tous les sponsors et partenaires du programme, s’engagent à inviter au moins 3 femmes sélectionnées dans leur festival ou convention."
Dans le monde du spectacle vivants où sont les femmes chanteuses, techniciennes ?
"La Drac (Direction Régionale des Affaires Culturelles) a fait une étude sur les Pays de la Loire, dans les métiers des régies générales et régies techniques des structures de spectacle vivant qu’elle soutient, il n’y a que 11% de femmes. Le pire étant les métiers du son, on descend à 7%. En revanche on a 92% de femmes dans les métiers de la billetterie, autant pour les costumes. Comme dans beaucoup de métiers, on constate une sexuation très forte des différents métiers. Donc prises dans une famille globale, les professions culturelles sont assez mixtes. En France on a 43% de femmes dans les métiers classifiés culturels. Mais si on zoome un peu, on se rend compte que les hommes et les femmes ne font pas du tout les mêmes métiers. Pour faire simple, aux femmes les métiers de l’administration et de l’image, comme attachée de presse et communication. Mais il y a très peu d’artistes sauf dans certaines disciplines comme la danse ou le théâtre."