Damien est étudiant à Lille. En août dernier, il est parti au Pérou pour y étudier pendant un an. Il y est resté depuis le début de la crise et se plie à un confinement bien plus sévère qu'en France. Car au Pérou, plus de 50 000 personnes ont été arrêtées jusqu'à présent, pour non-respect des mesures. Il nous livre son témoignage.
"J'ai un ami qui était juste allé à la plage. C'était le matin, et c'était le début, il n'y avait pas encore trop de cas. L'armée arrive, lui demande ce qu'il fait là. Il n'avait pas ses papiers avec lui, puisqu'il était juste allé se baigner. Il s'est fait arrêter. Heureusement, il y avait tellement de gens sur la plage qu'ils l'ont relâché. Mais ils lui ont dit : 'Maintenant tu rentres chez toi et tu ne fais plus de conneries, sinon ça va chauffer !'
Un autre était allé faire du surf. Il a vu les militaires s'approcher, il a fait comme s'il ne les avait pas vu. Il a pris une vague qui l'a emmené jusque de l'autre côté de la plage, il s'est enfui en courant et il a échappé aux militaires comme cela. Mais sinon, je pense qu'il n'aurait pas revu le jour avant un petit moment. Et d'ailleurs maintenant, si tu n'as pas de masque, tu te fais arrêter aussi."
C'est ce qui a failli arriver à un ami, avec qui il faisait la queue pour rentrer dans un supermarché : "Quand on est allé au supermarché, lui n'avait pas de masque, parce qu'il comptait en acheter un à l'intérieur. Un policier s'est approché de lui, et lui a dit : 'Vous ne pouvez pas rentrer, si vous n'avez pas de masque'. Il a répondu : 'Oui, mais je vais en acheter un à l'intérieur.' 'Mais vous ne pouvez pas rentrer sans masque' lui rétorqua alors l'agent. C'était un vrai dialogue de sourds pendant cinq minutes. J'ai fini par intervenir. J'ai dit : 'Monsieur, je vais acheter un masque pour vous' - puisque l'on n'était pas censé être venu ensemble -. Mais finalement, un policier y est allé et lui a donné un masque."
L'armée a une impunité totale, mais peut-être pas pour longtemps
Ce qui le choque le plus, c'est le décret du ministère de la Défense, qui exempte toute charge envers les forces de l'ordre, si elles blessent ou tuent pour faire respecter le confinement. Elles ont donc une impunité totale.
Mais Damien a une certitude : un confinement si dur ne peut pas durer : "Ici de toute façon, la quarantaine ne peut pas durer énormément de temps : au bout d'un moment, les gens vont bien devoir aller travailler. Il y a énormément d'emplois informels au Pérou. Les gens gagnent de l'argent au jour le jour, grâce à leurs petits boulots, mais ils n'ont pas de paie à la fin du mois. C'est l'argent du jour même qui leur sert pour manger. Du coup, ils sont vraiment obligés de sortir. Le confinement ne va pas durer."
Le Pérou est actuellement, après le Brésil, le deuxième pays le plus touché d'Amérique latine, avec environ 15 000 cas de coronavirus. Le confinement, qui devait s'achever le 26 avril, a été prolongé pour une durée indéterminée.