État de droit : l'UE menace de priver la Hongrie de fonds européens. Réactions.

 État de droit : l'UE menace de priver la Hongrie de fonds européens. Réactions.

Lors de la session plénière du Parlement européen qui s'est déroulée à Strasbourg du 4 au 7 avril 2022, la Commission européenne a annoncé avoir enclenché la procédure de suspension de fonds européens à l’encontre de la Hongrie. Une annonce qui a suscité de vifs échanges au sein de l’hémicycle strasbourgeois.

C’est une décision inédite. Lors d’une séance de questions-réponses avec les députés européens réunis en session plénière à Strasbourg, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé que son institution avait décidé de lancer contre la Hongrie une procédure visant à suspendre le versement de fonds européens en raison de violations de l’État de droit.

Cette annonce a été accueillie par des applaudissements au sein de l’hémicycle strasbourgeois, deux jours après la réélection à la tête de la Hongrie de Viktor Orban, accusé notamment de conflits d’intérêts et de corruption.

La décision de la Commission européenne divise les eurodéputés

Pourtant, le débat organisé sur le sujet dans ce même hémicycle le lendemain de cette annonce a été houleux, suscitant de vifs échanges.

De nombreux eurodéputés ont salué le lancement de la procédure contre la Hongrie tout en regrettant que cette décision n’ait pas été prise plus tôt, à l’image de l’écologiste Gwendoline Delbos-Corfield.

En revanche, des eurodéputés d’extrême droite, comme Nicolas Bay (ID), ont appelé la Commission à suspendre la procédure en cours à l’encontre de la Hongrie. Et ce au nom de la « solidarité européenne ».

L’eurodéputé hongrois Hidvéghi Balázs, membre du Fidesz, le parti de Viktor Orban, a même été jusqu’à qualifier la procédure lancée contre son pays de « djihad idéologique ».

En réponse à ces propos, Katalin Cseh, députée centriste de l’opposition hongroise et membre du groupe Renew Europe au Parlement européen, a rappelé les attaques dont font l'objet les membres de l'opposition, les activistes des droits de l'Homme, les journalistes et les minorités en Hongrie. Et a réclamé des mesures concrètes à l'encontre de Budapest, avertissant que la situation dans le pays risquait de se dégrader.

La députée conservatrice luxembourgeoise Isabel Wiseler-Lima (PPE) a abondé en son sens en appelant ses collègues d’extrême-droite à "ne pas tout mélanger".

Pas de suspension immédiate

Quoi qu’il en soit, la suspension du versement des fonds européens à la Hongrie ne sera pas effective immédiatement. Selon la procédure, Budapest a le droit de se défendre. Le Conseil de l’Union européenne, actuellement présidé par la France, a d’ailleurs prévu d’auditionner le gouvernement hongrois le 30 mai prochain, comme l’a indiqué Clément Beaune, Secrétaire d'État français aux Affaire européennes, lors du débat en plénière. Par ailleurs, toute suspension ou réduction des paiements doit être approuvée par au moins 15 des 27 États membres, ce qui pourrait prendre entre six et neuf mois.

De l'article 7 du TUE à la conditionnalité des fonds européens

L'article 7 du Traité sur l'Union européenne (TUE), mentionné par de nombreux eurodéputés lors du débat, a été enclenché contre la Pologne dès 2017 et contre la Hongrie en 2018. Cet article prévoit de "suspendre certains droits à un État membre (ndlr : en cas de violation des valeurs européennes et donc en cas de non-respect de l’État de droit), y compris les droits de vote du représentant de l'État membre en question au sein du Conseil" de l'UE. En clair, l'article 7 suspend la participation de l’État concerné à une bonne partie des décisions européennes, qui continuent toutefois de s’appliquer à lui. C’est le niveau maximal de sanctions que peut imposer l’UE à l’un de ses membres. Mais son activation requiert l'unanimité (soit le feu vert de 26 des 27 États membres, car le pays concerné n'a évidemment pas voix au chapitre), or la Pologne et la Hongrie se sont mutuellement assurés de leur protection. Pour contourner cela, le Parlement européen, la Commission européenne ainsi que plusieurs États membres ont proposé des alternatives, dont la conditionnalité des fonds européens.

Entré en vigueur le 1er janvier 2021, le règlement sur la conditionnalité pour la protection du budget n’avait jusqu’ici pas été appliqué. Le 11 mars 2021, la Pologne et la Hongrie ont contesté ce règlement devant la Cour de justice de l'UE. Mais le 16 février dernier, la Cour de justice de l'UE a rendu un arrêt selon lequel les recours de la Hongrie et de la Pologne devaient être rejetés. La Commission européenne a attendu que les élections législatives hongroises se déroulent pour lancer la procédure à l'encontre de la Hongrie le 5 avril 2022.