Bonjour et bienvenue dans cet épisode de 1001 héroïnes, une chronique qui vous fait découvrir chaque semaine des héroïnes européennes de livres ou de films !
Vous les avez certainement déjà croisés, dans des petites boutiques ou bien des grandes enseignes. Ces tee-shirts avec des messages féministes, de “powerful woman” à “we should all be feminist” en passant par “the future is female”. En quoi ces vêtements, vendus par des entreprises parfois loin, très loin des valeurs féministes, sont problématiques ? C’est notamment à cette question que répond Léa Lejeune, ancienne journaliste économique à Challenges et cofondatrice de l’association Prenons la une, dans un livre intitulé Féminisme washing sorti en 2021.
Féminisme washing, un peu comme le “greenwashing” ?
Exactement. Et quand le greenwashing se définit comme une stratégie de communication et de marketing visant à faire croire que l'entreprise a une politique écoresponsable, le “féminisme washing” se définit comme une stratégie de communication et de marketing visant à faire croire que l'entreprise a une politique féministe. Politique féministe, c’est-à-dire qu’elle paie ses employés femmes et hommes de la même manière, par exemple.
Léa Lejeune parle des tee-shirts, mais elle donne un autre exemple que j’ai trouvé particulièrement marquant. Elle raconte qu’elle a un jour acheté une déco à l’effigie de Frida Kahlo, cette artiste peintre mexicaine, icône du féminisme. Et là, elle a découvert que sa voisine avait exactement la même. Elle s’est donc renseignée, a découvert que cette figure était présente absolument partout dans les magasins… et que la Frida Kahlo Corporation, une entreprise internationale fondée par un businessman vénézuélien, Carlos Dorado, touchait de l’argent sur chacun de ces produits.
La désillusion, j’imagine …
Oui, mais aussi et surtout le point de départ de cet essai brillant et passionnant de la journaliste économique ! Elle s’appuie sur des dizaines d’études, sur des entretiens avec des salarié.e.s et des chef.fe.s d’entreprises, des statistiques… le tout de manière très pédagogique, c’est vraiment très bien vulgarisé ! Elle s’adresse en fait à deux publics, via deux parties du livre : dans la première partie, elle s’adresse à nous, consommateurs et consommatrices. Elle décortique nos pratiques de consommation et comment certaines entreprises cherchent à nous séduire… ou à nous berner complètement !
J’ai trouvé particulièrement intéressant le chapitre dans lequel elle interroge les pratiques de jeunes start-ups féministes qui veulent faire bouger les lignes, proposer des produits plus éthiques… mais dans une logique très capitaliste, ce qui interroge. Léa Lejeune ne donne pas forcément de réponses toutes faites, mais elle nous pousse à toujours nous interroger sur ce que nous achetons, où nous achetons, et après quelle publicité vue sur à la télé ou sur les réseaux sociaux …
Justement, on voit ces dernières années plein de pubs qui montrent plus de diversité : c’est du féminisme washing ?
C’est toute la difficulté, l’autrice l’explique très bien ! Certaines pubs montrent des corps de femmes différents, des corps gros, des corps noirs, des corps ridés, ce qui est assez nouveau ! C’est super, ça permet de proposer une représentation moins stéréotypée des femmes, ça leur permet de se reconnaître dans ces publicités. Et en même temps, l’objectif final des entreprises qui proposent ces pubs, c’est de toujours nous faire consommer plus, y compris des articles dont on aurait pas besoin, et ça leur permet de se renforcer face à la concurrence… Le problème aussi, c’est que ces pratiques sont totalement décorrélées des pratiques menées en interne des entreprises. C’est justement l’objet de la seconde partie du livre.
Une partie centrée sur les pratiques en interne donc ?
Oui ! Léa Lejeune prend plusieurs exemples de multinationales aux pratiques en apparence féministes… mais en fait pas du tout. Elle montre comment ce féminisme de façade permet à certaines entreprises de camoufler des pratiques peu brillantes : de grosses inégalités de salaires, un plafond de verre persistant, qui empêche les femmes d’accéder aux postes à hautes responsabilités, voire même du harcèlement sexuel en interne… Et pour finir, Léa Lejeune donne des conseils aux entreprises qui veulent changer, avec des exemples de bonnes pratiques, mais aussi aux consommatrices qui en ont marre de se faire berner.
Bref, je vous conseille vraiment de lire Féminisme washing : c’est un essai passionnant et vraiment facile à lire, dans lequel on apprend plein, plein de choses ! D’ailleurs, pour continuer à confronter féminisme et économie, Léa Lejeune a créé une newsletter et un compte Instagram : Plan cash !
Et pour découvrir d’autres essais féministes, mais aussi des romans, des BD, des séries ou des films, rendez-vous sur le site 1001heroines.fr : 750 œuvres y sont référencées ! Bonnes découvertes et à la semaine prochaine !