À l'occasion du premier anniversaire du début de la guerre en Ukraine cette semaine, Euan Walker et Cécile Dauguet discutent du réalignement géopolitique qui se produit en Europe et de la rationalité des subventions au gaz actuellement déployées.
Pour en revenir à l'actualité européenne de la semaine, cette semaine marque un an de la guerre en Ukraine...
Oui, et avec cela vient un réalignement du statu quo géopolitique en Europe et dans le monde plus largement. Le plus remarquable, cependant, c’est le réancrage de l'action géopolitique dans ce qu'on appelle désormais le flanc oriental de l'Europe. La Pologne et les Balkans revêtent une importance stratégique sans précédent.
Joe Biden était récemment à Varsovie pour affirmer son soutien à la région, n'est-ce pas ?
En effet, après une visite à Kiev le 20 février, le président américain a rencontré le Président Duda pour réaffirmer l’ambition des États-Unis de collaborer militairement avec la Pologne. La coordination par les États-Unis de la réponse européenne - directement après le début de la guerre en Ukraine - était déjà révélatrice de cette tendance. Ces 12 derniers mois ont montré sans équivoque que l'influence de l'allié américain sur le continent, et plus particulièrement en Europe de l'Est, se renforce.
On peut parler d’"américanisation" de la stratégie européenne alors ?
C’est vrai que ces visites et l'apport matériel dans le conflit semblent affaiblir les appels à l'autonomie stratégique européenne, comme le réclamait Emmanuel Macron. Mais elles soulignent aussi l'importance pour les forces occidentales d'assurer une coopération avec les pays d'Europe de l'Est et des Balkans occidentaux. Nous avions déjà vu les perspectives de la politique européenne en 2023, mais là, les visites diplomatiques de Biden dans la région en sont une preuve essentielle. Il faut avouer que c’est compliqué : l’Union a des demandes rigoureuses en matière d’intégration et en face, les États-Unis décident d'investir considérablement dans la région, malgré les désaccords avec les représentants serbes en particulier. La guerre d'Ukraine, plus qu'un conflit militaire, est devenue une compétition pour l'influence. Une chose est sûre : les ralentissements dans les partenariats européens clés, comme l'alliance franco-allemande, permettent à d'autres d'exercer leur influence.
Enfin, dans la lignée des conséquences de la guerre en Ukraine, un rapport récent a jeté un peu de lumière sur l'état du marché européen de l'énergie...
Oui, comme les auditeur·ices le savent déjà, les pays occidentaux ont augmenté leurs fonds pour les ménages et les entreprises afin d'amortir les effets de la hausse des prix de l'énergie l'année dernière. Selon l'Agence internationale de l'énergie, les subventions et les réductions d'impôts sur les énergies fossiles ont doublé en 2022 pour dépasser le milliard de dollars, le Président Macron a d'ailleurs demandé à Total de réduire le prix du gaz pour les consommateurs le 21 février.
Ces subventions entravent-elles la mise en œuvre de la transition écologique en Europe ?
Le débat sur la question est complexe - le prix exorbitant du gaz au nom de la protection de l'environnement pourrait susciter de nouvelles manifestations et incompréhensions. Ajoutez à cela les lobbies qui œuvrent pour le maintien du statu quo en matière de transport. Donc, le vote du Parlement européen sur l'interdiction de la vente de nouvelles voitures à essence et diesel, en 2035, du 14 février, risque de ne pas donner les résultats escomptés. La question reste posée : ces politiques assurent-elles des conditions plus confortables financièrement pour que les citoyen·nes adoptent des comportements plus écologiques ou entretiennent-elles l'illusion que nos modèles de consommation actuels sont durables ?
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English version :
Geopolitical realignment in Europe - The rationality of current gas subsidies.
With the first anniversary of the start of the war in Ukraine this week, Euan Walker and Rune Mahieu discuss the geopolitical realignment taking place in Europe and the rationality of current gas subsidies.
Returning to Europe's news of the week, this week marks one year since the war in Ukraine…
Yes, and with that comes a realignment of the geopolitical status quo in Europe and in the world more widely. Most notable, however, is the re-focusing of geopolitical action in what is now understood as the the eastern flank of Europe. Poland and the Balkans are of unprecedented strategic importance.
Joe Biden was recently in Warsaw to affirm his support for the region, wasn't he?
Indeed, after a visit to Kiev on 20 February, the US president met with President Duda to reaffirm the US ambition to work militarily with Poland. The US coordination of the European response - directly after the start of the war in Ukraine - was already indicative of this trend. The last 12 months have shown unequivocally that the influence of the American ally on the continent, and especially in Eastern Europe, is growing.
Can we talk about the "Americanisation" of European strategy then?
It is true that these visits and the material contribution in the conflict seem to weaken the calls for European strategic autonomy which Emmanuel Macron has called for. But they also underline the importance for Western forces to ensure cooperation with Eastern European and Western Balkan countries. We have already seen the prospects for European policy in 2023, but here Biden's diplomatic visits to the region are a key proof. Admittedly, it is complicated: the Union has rigorous demands for integration and, on the other hand, the United States decides to invest considerably in the region, despite disagreements with Serbian representatives in particular. The war in Ukraine has become more than a military conflict, it has become a competition for influence. One thing is certain: slowdowns in key European partnerships, such as the Franco-German alliance, allow others to exert their influence.
Finally, in the wake of the war in Ukraine, a recent report has shed some light on the state of the European energy market...
Yes, as listeners already know, Western countries have increased their support for households and businesses to lessen the effects of last year's energy price hike. According to the International Energy Agency, fossil fuel subsidies and tax cuts doubled in 2022 amounting to a sum greater than 1 billion US dollars - on top of this, President Macron called on Total to reduce gas prices for consumers on the 21st February.
Are these subsidies hindering the implementation of the ecological transition in Europe?
The debate on this issue is complex - exorbitant gas prices in the name of environmental protection could lead to further protests and misunderstandings. To this we can add the lobbies working to maintain the status quo on transport. As such, the European Parliament's vote on banning the sale of new petrol and diesel cars in 2035 on 14 February may not produce the desired results. The question remains: do these policies ensure more comfortable financial conditions for citizens to adopt greener behaviour or do they maintain the illusion that our current consumption patterns are sustainable?
Entretien en français réalisé par Cécile Dauguet.
Interview in english by Rune Mahieu.