Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Alors, que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Alors beaucoup de choses, comme notamment la fin de la semaine de l’Europe, ou encore la ratification de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul. Mais cette semaine, j’avais envie de vous parler d’un événement que l’on célèbre chaque année le temps d’une journée depuis 2014.
La journée mondiale de l’hygiène menstruelle ?
Tout à fait. Chaque 28 mai, nous célébrons cette journée qui vise à sensibiliser et à lutter contre les tabous au sujet des règles, dont notamment la précarité menstruelle.
La précarité menstruelle, c’est-à-dire ?
La précarité menstruelle désigne la difficulté pour certaines femmes à accéder à des produits d'hygiène menstruelle tels que les tampons et les serviettes hygiéniques, les cups ou les culottes menstruelles, en raison de leur coût élevé ou de leur rareté. D’ailleurs, selon une étude menée par l'Organisation mondiale de la santé, environ 20% des femmes européennes ont des difficultés à se procurer des produits d'hygiène menstruelle. Cette situation touche particulièrement les femmes précaires, puisque certaines utilisent des chaussettes, du journal, ou encore des serviettes qu’elles trouvent dans la rue.
Et quelles sont les conséquences de la précarité menstruelle ?
La précarité menstruelle peut avoir des conséquences néfastes sur la santé et la vie quotidienne des femmes. En effet, l'utilisation de produits d'hygiène menstruelle inadaptés ou le manque d'accès à ces produits peuvent entraîner des infections, des irritations et des complications gynécologiques. Par ailleurs, la précarité menstruelle peut entraîner des absences à l'école ou au travail, ce qui peut avoir des conséquences sur la scolarité et la carrière des femmes.
Et que font les gouvernements pour lutter contre la précarité menstruelle ?
Alors à partir de 2021, l'Union européenne s'est mobilisée pour mettre en place une réglementation, instaurant une taxe de 5% sur les produits de protections hygiéniques. D’ailleurs, cette avancée législative s'accompagne d'un véritable mouvement de mobilisation citoyenne, en faveur de la précarité menstruelle au sein des états membres de l’UE. Prenons le cas de l’Écosse en 2018. Elle est devenue le premier pays au monde à offrir des produits d'hygiène menstruelle gratuits dans les établissements scolaires, universitaires et les lieux publics. Et deux ans plus tard, en 2020, le gouvernement a adopté unanimement une loi favorisant la distribution de protections hygiéniques dans des lieux majeurs de la vie publique, tels que les universités, les pharmacies, les clubs de jeunesse, ou les centres communautaires.
D'autres pays, comme la France et l'Allemagne, ont abaissé la TVA sur les produits d'hygiène menstruelle pour les rendre plus accessibles financièrement, n ‘est-ce pas ?
Parfaitement. Pour combattre la précarité menstruelle en Allemagne, des actions ont été entreprises dès 2017, notamment dans les musées, les cafés, les toilettes publiques et les universités, où des tampons hygiéniques ont été mis à disposition en libre-service. Puis, en mars 2018, la pétition « Avoir ses règles n'est pas un luxe » a été lancée, pour demander la réduction du taux de TVA de 19 %, sur les produits d'hygiène féminine, et pour dénoncer la "discrimination fiscale" dont sont victimes les femmes. Cette injustice est d'autant plus scandaleuse que certains produits de moins grande nécessité, tels que le café ou le caviar de saumon, bénéficient d'un taux de TVA de 7 %. Il est grand temps de mettre fin à cette discrimination, et de nous battre, pour que la problématique de la précarité menstruelle soit prise en compte.
Et la France ?
Malgré l'opposition initiale de l'Assemblée nationale, le peuple a finalement obtenu gain de cause pour une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée, portant ainsi le taux de 20% à 5,5% du prix hors taxe, depuis janvier 2016. Cependant, cela ne suffit pas. Nous avons besoin de davantage, pour rendre les protections hygiéniques abordables pour tout le monde. Heureusement, une mutualité étudiante rembourse partiellement l'achat de ces produits, et de nombreuses collectes sont régulièrement organisées. En outre, depuis le début de 2020, le gouvernement français a annoncé qu'il mettrait en place des distributeurs gratuits dans des lieux publics. Sans omettre, les initiatives lancées pour lutter contre le manque d'information des industries sur le sujet. Malgré toutes ces actions, davantage doit être fait pour garantir l'égalité d'accès aux protections périodiques pour toutes.
Où retrouve-t-on la TVA la plus élevée de l’UE sur ces protections hygiéniques ?
En Suède, puisque le taux de TVA sur les protections hygiéniques est l'un des plus élevés du monde, soit 25 % du prix hors taxe. Cependant, de nombreuses organisations, soulignent que cette taxe est plus élevée que celle appliquée sur d'autres produits et services qui ne sont pas aussi indispensables que ces produits hygiéniques. Par exemple, un entraîneur personnel n'est soumis qu'à un taux de TVA de 6 %, alors que ces produits hygiéniques sont essentiels tous les mois. Nous devons nous mobiliser pour faire entendre notre voix sur cette question, et demander une taxe plus équitable sur ces produits.
Que pouvons-nous faire pour lutter contre la précarité menstruelle ?
Il existe plusieurs façons d'aider à lutter contre la précarité menstruelle. Nous pouvons faire des dons de produits d'hygiène menstruelle à des organisations caritatives qui les distribuent aux femmes dans le besoin. Nous pouvons également soutenir les initiatives gouvernementales visant à rendre ces produits plus accessibles. Enfin, nous pouvons sensibiliser le public à cette problématique, en parlant ouvertement, et en encourageant le débat sur le sujet.
Un mot pour la fin ?
En 2019, un sondage de l'Ifop établit qu'1,7 million de personnes sont concernées par la précarité menstruelle en France. L'accès aux protections hygiéniques devrait être un droit et gratuit, et pas seulement pour les femmes de moins de 25 ans, puisque rappelons-le : avoir ses règles n’est pas un choix.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.