Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Si vous le permettez, parlons d’un problème juridique et moral : le cas de la Prostitution en Europe.
Alors, quels sont les modèles de régulations au sein de l’Union européenne ?
Alors, on retrouve différentes catégories de législations au sein de l’Union Européenne au sujet de la prostitution : les modèles réglementaristes, abolitionnistes et prohibitionnistes. Tout d’abord, le modèle réglementariste estime que la prostitution sera toujours présente. Ainsi, selon ce modèle, il vaut mieux l’autoriser afin de pouvoir la réguler, impliquant par conséquent, tant une dépénalisation du client, que de la personne prostituée, si tous deux respectent la législation définie par l’état où ils se trouvent.
Comme la Suisse, les Pays-Bas ou encore l’Allemagne, n’est-ce pas ?
Exactement. Défendant ce modèle juridique, ces états estiment que ce dernier encadre la vie des personnes prostituées et des proxénètes. Il offrirait donc une meilleure protection ?
C’est du moins ce que pensent ces états, mais le débat est plus complexe que cela malheureusement, et notamment, malgré une certaine présence de protection.
En Suisse, les réseaux de proxénétisme usent de fichiers clients comme outil de protection pour les femmes, au sein desquels les client·es sont validé·es afin que le paiement soit sécurisé et que les femmes prostituées ne soient ni violées ni volées.
Et l’Allemagne, comment estime-t-elle offrir une protection ?
Tout d’abord, certains Lander avaient la prérogative de pourvoir interdire la prostitution, ainsi que les maisons closes lors de certains moments de la journée, ou encore dans certains endroits. Puis en 2018, la législation allemande a créé une obligation, celle pour les personnes prostituées, de s’enregistrer auprès de l’administration, sous peine d’être contrainte de régler la somme de 1000 euros. Les obligations s’enchainent également, notamment avec le port obligatoire du préservatif ainsi, qu’une autorisation nécessaire pour ouvrir une maison close.
Ce modèle réglementariste permet-il de diminuer la prostitution ?
Absolument pas. Le modèle réglementariste permet non pas de diminuer la prostitution mais de l’augmenter puisqu’en Allemagne 400 000 femmes se prostituent.
Quant au modèle prohibitionniste ?
Le modèle prohibitionniste est lui, la représentation totale de l’interdiction de la prostitution. Il n’y a donc ainsi aucune distinction entre les acteur·rices, qu’il s’agisse des personnes proxénètes, des prostituées, des client·es, ou encore des tenancier·es de maisons close.
Y a-t-il au sein de l’Union européenne, des États membres qui ont adoptés ce modèle ?
Oui, la Lituanie et la Croatie. Ils sont les seuls états membres à l’avoir adopté.
Ce modèle offre-t-il davantage de protections pour ces femmes ?
Il pourrait être rapide de conclure qu’étant donné que ce modèle est l’interdiction totale de la prostitution, il est le plus à même de protéger les femmes. De plus, cette dernière reste malgré tout présente. Et il s’avère également que les prostitué·es sont davantage pénalisés que les client·es, et ne possèdent aucune protection comme une prévention des dangers sanitaires.
Étant donné que ce modèle n’est donc pas approprié pour lutter contre les dangers de la prostitution, qu’en est-il du modèle abolitionniste ?
Le modèle abolitionniste implique « la suppression de toute disposition réglementant ou favorisant la prostitution, tout en poursuivant un objectif de protection des victimes et de répression de l’exploitation sexuelle. Il vise également à prévenir l’entrée dans la prostitution et à aider les victimes à identifier des alternatives ».
C’est le cas de la Suède, de l’Islande, de la Norvège et de la France, n’est-ce-pas ?
Parfaitement. Le modèle abolitionniste est illustré par la Suède qui, en 1999, a adopté ce modèle en premier au sein de l’Union Européenne. Sa législation pénalise les client·es, ce qui sera le cas par la suite de la Norvège et de l’Islande. D’ailleurs, comme vous l’avez si bien dit, la France est également un pays usant du modèle abolitionniste, avec notamment sa loi de 2016, qui pénalise les client·es en interdisant l’acte sexuel. Une sanction peut être encouru avec une amende allant de 1500 euros jusqu’à 3750 en cas de récidive. Abrogeant la loi de 2003 sur le délit de racolage actif et passif, la législation française a subi une véritable évolution. Ainsi, les prostitué·es ne sont plus pénalisé·es mais ne possèdent pas la protection de la législation suédoise par exemple.
Peut-on affirmer que la législation suédoise est la plus protectrice à ce sujet, au sein de l’Union européenne ?
Il est vrai que la Suède est exemplaire pour sa lutte contre la prostitution. Dès 1987, ce dernier été dénoncé comme de l’esclavage. Elle a continué son combat le 1 janvier 1999, avec une loi visant à pénaliser le fait d’acheter ou tenter d’acheter des services sexuels, avec une amende, ou une peine d’emprisonnement pouvant atteindre 6 mois ferme. Cette peine fut augmentée en avril 2005 jusqu’à deux ans si la victime est mineure.
La législation Suédoise est particulièrement favorable à la protection des femmes puisque les prostitués n’encourent à aucune poursuite judiciaire ?
Oui, mais la Suède va plus loin dans sa protection. Effectivement, il est accordé aux personnes se prostituant un accompagnement par le bais d’un centre d’aide afin de favoriser leur insertion sociale, et ce, particulièrement pour les personnes étrangères et/ou en situation irrégulières sans oublier une protection particulière pour celle qui dénoncent leur proxénète et la pratique d’une traite. De plus, les médias s’emparent également de ce combat puisqu’ils sont impliqués dans la dénonciation de la prostitution à travers des campagnes d’informations.
Un mot pour la fin ?
Même si les lobbies de la prostitution et du commerce sexuel revendiquent le droit à la prostitution et détourne ainsi le débat en faisant la distinction des femmes qui se prostituaient librement car elles l’avaient choisi et les femmes qui étaient contraintes, le véritable combat, celui de la protection des femmes, ne doit pas être oublié.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.