La semainière de Quentin Dickinson

Le rapport annuel sur la perception de la corruption est préoccupant pour l’Union européenne - Quentin Dickinson

Le rapport annuel sur la perception de la corruption est préoccupant pour l’Union européenne - Quentin Dickinson

Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?

Une semaine bien chargée, en tout cas. Et qui commence avec le Sommet Union européenne-Ukraine, lequel s’est tenu pour la première fois à KYEV. C’est la quatrième fois que la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der LEYEN, s’y rend ; cette fois-ci, elle y a emmené une brochette de ses collègues commissaires.

Les Vingt-sept ont réaffirmé leur soutien sans limite à l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire ; ils ont exigé le retrait complet des troupes russes des territoires ukrainiens illégalement occupés depuis 2014 ; et ont rappelé le droit légitime de l’Ukraine à se défendre. Rien de nouveau, mais il n’est pas inutile de le redire.

Quant au contenu et aux conclusions, on progresse assez rapidement sur la création, à La HAYE, d’un tribunal pénal international, chargé, le jour venu, de juger les responsables russes de ce que les historiens nommeront certainement la Guerre d’Ukraine. Dans un premier temps, un organe international de préfiguration des poursuites liées à l’agression russe verra le jour. En collaboration avec l’Agence EUROJUST, il assurera la coordination des enquêtes en cours et, surtout, la préservation des pièces à conviction.

Autre avancée : l’UE entend devenir la tête de file internationale du déminage en Ukraine, sans attendre la fin des hostilités, qui n’est pas pour demain. Un premier financement de vingt-cinq millions d’Euros y sera consacré.

En revanche, et en dépit de l’insistance des Ukrainiens, leurs visiteurs européens n’ont pas souhaité formaliser une date précise pour l’ouverture de négociations d’adhésion à l’UE. Malgré la récente et importante purge anticorruption du Président ZELENSKY, nombre de conditions restent encore à satisfaire, comme, par exemple, les critères de nomination des magistrats de la Cour constitutionnelle ainsi que d’autres alignements sur les principes de l’état de droit. On en reparle en avril lors de la prochaine réunion périodique d’évaluation.

Et il n’y a pas qu’à KYEV qu’on a évoqué la corruption…

En effet, puisque à peu près au même moment, l’ONG Transparency International publiait son rapport annuel sur la perception de la corruption. La lecture en est préoccupante pour l’Union européenne, qu’on trouve divisée entre les bons élèves du nord et de l’ouest du continent et les indisciplinés de l’est et du sud. Les auteurs ne cachent pas que la corruption, associée au crime organisé et à l’affaiblissement de l’état de droit, est en hausse dans l’UE.

Bien sûr, onze pays de l’UE, ainsi que l’Islande, la Suisse, et la Norvège figurent au sommet du tableau d’honneur, mais cela ne fait qu’accroître le décrochage de Chypre, Malte, de la Grèce, de la Croatie, de la Roumanie, et de la Bulgarie. En lanterne rouge prévisible et à la 77e position, la Hongrie de Viktor ORBÁN voisine avec le Burkina Faso et le Koweït. Et un seul pays-membre de l’UE issu de l’URSS, l’Estonie, améliore son classement.

Le Royaume-Uni est toujours dans la moyenne honorable, mais est rétrogradée de la onzième à la dix-huitième place.

Et la Russie ?

Pas de surprise : la Russie est à la 137e place, quasi-ex-aequo avec le Mali et le Paraguay.

Avez-vous retenu d’autres faits saillants ?

Oui, et, en particulier, la décision des Européens de serrer encore un peu plus la vis des sanctions contre MOSCOU. Cette fois-ci, ce sont les hydrocarbures (pétrole brut ou raffiné, gazole) produites en Russie qui se voient infliger un tarif-plafond. La mesure vise le transport maritime vers des pays tiers, ainsi que toute forme d’assistance technique ou d’assurances des cargaisons. Les pays qui y contreviendraient feraient eux-mêmes l’objet de sanctions ciblées.

Et un survol du reste de la semaine ?

Allons-y.

A LONDRES, le Premier ministre Rishi SUNAK laisse entendre qu’il envisage de retirer le Royaume-Uni de la Convention européenne des Droits de l’Homme (dont son pays était pourtant cofondateur en 1950) si les juges de la Cour européenne des Droits de l’Homme ne lui laissent pas les mains libres pour renvoyer les migrants qui passent le Pas-de-Calais à bord d’embarcations de fortune.

A LONDRES, toujours, l’éphémère occupante du 10, Downing Street, Lizz TRUSS (vous vous souvenez ?) s’est fendue d’une tribune libre dans les pages de notre confrère, le Daily Telegraph, pour expliquer que sa chute était due à de puissants intérêts économiques de gauche. La City aux mains de révolutionnaires, c’est en tout cas original. On sourit, et on passe à autre chose.

A BRUXELLES, on vient de publier la répartition des sources d’énergie dans l’UE : pour la première fois, le solaire et l’éolien, réunis, avec 22 % du marché, passent devant le gaz, en repli à 20 %.

A BRUXELLES, encore, l’avenir économique de l’UE est jugé plutôt sombre cette année, mais au moins a-t-on échappé à la récession qui paraissait inévitable – on enregistre même une croissance à 3,5 %.

A MADRID, un tribunal vient de juger que les coursiers d’AMAZON étaient bien des salariés en CDI, et non des collaborateurs indépendants comme le prétendait leur employeur. L’esclavagisme du XXIe siècle recule (un peu).

A BERLIN, enfin, et pour qui cela peut intéresser, sachez qu’il devient plus simple d’acquérir la nationalité allemande.

Rapidement, cette semaine ?

Un Conseil des ministres chargés des Affaires européennes (dit Conseil Affaires générales, ou CAG dans l’eurojargon) examine l’état des rapports avec le Royaume-Uni, et prépare le Sommet, jeudi, des chefs d’État et de gouvernement de l’UE.

Enfin, à suivre à un niveau certes moins élevé, le Conseil d’Association de l’UE avec la Moldavie, celle-ci étant candidate à l’adhésion à celle-là. En pleine guerre en Ukraine voisine et avec 3.500 soldats russes campant en Transnistrie sécessionniste, les Moldaves viennent d’entendre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï LAVROV, affirmer que leur pays, après l’Ukraine, était le prochain sur la liste. Leur Première ministre, Mme Maïa SANDU, a, en ce moment, vraiment besoin de tous ses amis.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.