La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

Mrmw - Wikimedia Commons La semainière de Quentin Dickinson
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Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, qu’avez-vous retenu de ces jours derniers ?...

Franchement, il n’y a pas à hésiter : car on se souviendra longtemps encore de cette Conférence 2025 sur la Sécurité de MUNICH.

Elle aura acté la volonté d’un brutal découplage des États-Unis d’Amérique de leurs alliés en Europe. Elle aura manifesté l’intention américaine de tenir ceux-ci pour quantité négligeable, priés de se débrouiller seuls vis-à-vis de la menace de la Russie, miraculeusement sortie de l’opprobre international par Donald TRUMP et traitée d’égal à égal par WASHINGTON.

Et l’Ukraine, que devient-elle dans tout ce chamboulement ?...

L’avenir de l’Ukraine, c’est de devenir un pion malheureux dans un jeu perdu d’avance par M. TRUMP, qui – avant toute négociation – a déjà concédé les conditions réclamées par MOSCOU pour un cessez-le-feu. Donald TRUMP pourra alors proclamer qu’il a seul et à mains nues mis fin à la guerre et rétabli une paix pour mille ans. Son ambition de se voir attribuer le Prix Nobel de la Paix s’en trouvera renouvelée – qui oserait désormais le lui refuser. Mais il est l’homme des engagements tonitruants qui restent sans suite, comme l’a assez bien démontré sa tentative de ramener la paix entre les deux Corées lors de sa première présidence.

A vous écouter, on peut penser que l’OTAN est morte…

Non, car les institutions internationales ne meurent que rarement ; le plus souvent, elles perdent toute utilité de premier plan, et finissent amalgamées avec une autre entité multilatérale. Ceux parmi nos auditeurs qui ont de la mémoire se souviendront (peut-être) de l’Union de l’Europe occidentale, historiquement première institution militaire paneuropéenne, créée en 1954 et phagocytée par étapes par l’Union européenne, jusqu’à sa disparition définitive il y a quinze ans.

Donc, il serait prématuré de publier l’avis de décès de l’Alliance atlantique ; ce qui est cependant préoccupant, c’est l’effritement du caractère automatique de l’Article 5 du Traité de Washington, qui prévoit l’obligation d’assistance militaire à tout pays-membre en cas d’agression de la part d’un État tiers.

On a l’impression que les gouvernements européens ne s’attendaient vraiment pas au lâchage américain…

… alors que pourtant, depuis 1945, on relève nombre de cas où des dirigeants étrangers ont pu se mordre les doigts d’avoir cru à la constance du soutien des Américains, qu’il s’agisse du Sud-Viêtnam en 1975, du Chah d’Iran en 1979, ou de l’Afghanistan en 2021. A l’époque de la chute de SAÏGON, l’ex-Première dame viêtnamienne avait résumé sans détour la situation : « Quand on a les Américains pour alliés, on n’a pas besoin d’ennemis ». 

Des suites de la réunion informelle à PARIS en début de semaine, nous saurons si les principaux dirigeants européens ne peuvent que partager cet avis, ou si le moment est venu de bâtir une Union européenne puissante, qui puisse se passer sans regret de la vacillante béquille américaine.

Un autre sujet vous a cependant marqué au cours de la semaine écoulée et même, en remontant plus loin…

Souvenez-vous : le 31 mai 2024, à MANNHEIM, dans le sud-ouest de l’Allemagne, un homme, armé d’un couteau de cuisine, s’en prend aux militants lors d’un rassemblement politique. Bilan : 1 mort. Le terroriste est un réfugié afghan.

Le 22 août 2024, dans l’ouest de l’Allemagne, à SOLINGEN, un homme, armé d’un couteau de cuisine, s’en prend sauvagement aux participants d’une fête municipale. Bilan : trois morts. Le terroriste est un Afghan en instance d’expulsion.

Le 20 décembre 2024, dans l’est de l’Allemagne, à MAGDEBOURG, une voiture fonce dans la foule. Bilan : cinq morts. Le terroriste est un réfugié séoudien, de longue date installé comme médecin auprès de la clinique psychiatrique de la ville.

Le 13 février 2025 (jeudi dernier, donc), dans le sud de l’Allemagne, à MUNICH, une voiture fonce dans la foule. Bilan : deux morts – en l’occurrence une immigrée algérienne, ingénieure municipale, et sa fille âgée de deux ans. Le terroriste est un jeune demandeur d’asile afghan.

Mais pourquoi revenir sur ces événements tragiques ?...

Parce que, en dépit de situations personnelles très différentes, ces attentats ont tous un élément commun, c’est qu’ils sont l’effet direct des messages de haine répandus par les réseaux sociaux sur des déséquilibrés influençables.

Alors, on peut se poser la question de savoir qui envahit le cyberespace de ce poison des esprits ? Réponse des autorités judiciaires : dans la plupart des cas, ce sont des prédicateurs islamistes radicaux.

Et – question subsidiaire – à qui profite le crime ? Réponse évidente : au travail de sape de nos sociétés démocratiques européennes que mène inlassablement la Russie, mais aussi, à l’horizon dimanche prochain des élections législatives en Allemagne, au parti d’extrême-droite AfD, dont l’immigration est le principal argument électoral, et qui est par ailleurs très admiratif des œuvres du Kremlin.

Ainsi, la manipulation alimente l’imbécilité ; et l’imbécilité tue.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.