Retrouvez chaque semaine semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, QD, avez-vous passé une bonne semaine ?...
Plutôt, oui, parce que l’on aura engrangé en quelques jours le désamorçage de deux crises majeures, la première étant évidemment le blocage persistant par le Premier ministre hongrois Victor ORBÁN à l’aide à l’Ukraine et au budget pluriannuel de l’Union européenne. Sous une pression quasi-unanime des vingt-six autres chefs d’État et de gouvernement, réunis ici tout exprès en Sommet extraordinaire, le très poutinophile M. ORBÁN a fini par fléchir. Histoire d’escamoter médiatiquement sa reculade, l’intéressé est tout-de-même sorti du bâtiment pour aller encourager les agriculteurs en colère à s’opposer aux « injustes mesures qui s’abatt[ai]ent sur eux de par la volonté antidémocratique des instances européennes" (pour citer le bouillant Magyar).
Et l’autre crise surmontée, c’était…
…c’était celle du blocage depuis deux ans du système parlementaire et de gouvernance régionale en Irlande du Nord. On se souviendra que le DUP, parti viscéralement attaché à l’union de la province et de la Grande-Bretagne (et essentiellement composé de protestants), fort marri d’avoir, pour la première fois, perdu les élections régionales au bénéfice du Sinn Féin, parti favorable au rattachement à la République d’Irlande, avait refusé de siéger à l’assemblée régionale, paralysant de ce fait la constitution de tout gouvernement à BELFAST. Du coup, LONDRES a dû reprendre la main et gérer directement la province.
Un accord est donc enfin conclu : au Sinn Féin le poste de Premier ministre, au DUP celui de Vice-Premier ministre, conformément aux Accords dits du Vendredi-Saint qui avaient mis fin à trente ans de guerre civile.
Et on reste au Royaume-Uni, pour évoquer – à nouveau – le Brexit, c’est cela, QD ?...
C’est bien cela, le Brexit, qu’on croyait pouvoir remiser au rayon des erreurs historiques, mais qui ne cesse de revenir hanter les Britanniques.
La querelle en Irlande du Nord avait pour origine le commerce entre cette province et le reste du Royaume-Uni, rendu difficile à gérer depuis le Brexit, puisque avant celui-ci, les marchandises circulaient librement entre le nord et le sud de l’Irlande.
Mais voilà que, quatre ans après le Brexit, le gouvernement britannique, de reports en hésitations, met enfin en œuvre son Protocole de Fonctionnement du Ciblage aux frontières – en clair, des contrôles physiques à l’importation des viandes, des fruits et légumes, et des plantes provenant de l’UE. Ces contrôles seront évidemment précédés, accompagnés, et suivis par l’indispensable volume de paperasse que la mesure génère.
Les associations britanniques de consommateurs préviennent : ces mesures vont décourager les exportateurs des pays de l’UE qui renonceront au marché britannique (en particulier pour les produits périssables), ou alors feront porter par le consommateur le coût supplémentaire provoqué.
Donc, la perspective de rayons vides et de prix plus élevés qu’on ne pourra pas imputer cette fois-ci à la guerre en Ukraine – merci qui ?
Autre chose à signaler, QD ?...
Oui, en fait…mais on reste un moment de plus sur le Brexit. Vous connaissez la nomenclature européenne des produits chimiques REACH, que les Britanniques appliquaient chez eux avant le Brexit, et qu’ils ont simplement adoptée telle quelle en droit britannique après le Brexit. Mais voilà : ils n’y ont pas touché depuis quatre ans, alors que REACH classait régulièrement de nouvelles molécules. Résultat : on vient de s’apercevoir que pas moins de 31 produits classés dangereux par REACH sont en vente libre Outre-Manche. Merci qui ?...
Je crois qu’on vous a compris, QD. Vous me disiez que, de notre côté de la Manche, on a justement durci encore davantage l’utilisation des gaz fluorés ?...
…et en particulier des hydrofluorocarbures, les HFC, particulièrement nocifs pour notre couche d’ozone. Ces gaz sont présents dans nos réfrigérateurs, climatiseurs et autres aérosols. Les ministres de l’UE viennent de confirmer leur interdiction en 2050, après une phase de réduction par palier jusqu’à atteindre 15 % en 2036. Il sera de plus prohibé de mettre en vente ou d’installer des pompes à chaleur et des gros appareillages électriques utilisant des HFC si un gaz de substitution existe.
On ne quitte pas le domaine de l’industrie chimique, cette semaine…
C’est un nouveau rebondissement dans l’affaire du Roundup, ce puissant désherbant interdit depuis longtemps déjà, sauf dans quelques pays qui le réservent aux utilisateurs professionnels, moins susceptibles de se tromper dans le dosage du produit. L’actualité, c’est ce tribunal de PHILADELPHIE qui vient de condamner la multinationale chimique allemande BAYER à indemniser un jardinier à hauteur de 2,2 millions de Dollars pour ses importants problèmes de santé provoqué par l’utilisation régulière du Roundup. Pour ce même motif, BAYER a déjà décaissé à ce jour neuf milliards six cents millions de Dollars. Dès l’annonce du jugement aux États-Unis, le cours de l’action BAYER a chuté de près de 10 % - et ce n’est pas fini, car il reste actuellement plus de 90.000 plaintes en souffrance. De quoi faire regretter à BAYER d’avoir racheté il y a cinq ans le chimiste américain MONSANTO, inventeur du Roundup.
Il y a quand même cette semaine d’autres sujets, plus agréables que celui-là ?...
En effet. Et donc fin du volet consacré à l’industrie chimique, puisqu’il s’agit maintenant de défendre la cause du miel, le vrai, le pur, l’européen. Il existe une directive européenne, dite Directive P’tit-déj, qui porte sur les fruits en pot et les jus de fruits, le miel, et les confitures, directive que les ministres de l’UE viennent de renforcer, ayant constaté des abus d’étiquetage très répandus. Les services antifraude européens ont détecté que nombre de pots de miel importés étaient gonflés par des ajouts de sucre ou d’autres édulcorants.
Jusqu’ici, les pots de miel indiquaient si le contenu était originaire d’un pays extérieur à l’UE ; désormais, il faudra bien indiquer le nom du pays d’origine. D’autre part, le contenu en fruit devra être supérieur à 450 grammes par kilo de confiture.
Quelques brèves, pour conclure, QD ?...
D’abord, la bataille est engagée entre neuf pays de l’UE pour savoir quelle ville accueillera la future Autorité européenne Anti-Blanchiment. Par ordre alphabétique, il s’agit de DUBLIN, FRANCFORT-sur-le-MAIN, MADRID, RIGA, ROME, VIENNE, et VILNIUS – sans oublier PARIS et BRUXELLES, bien sûr. C’est une décision de la Cour de Justice de l’UE en 2022 qui fait obligation d’associer le Parlement européen à la sélection, jusqu’ici fruit de tractations entre capitales des pays-membres. Un vote interviendra le 22 février, les eurodéputés ayant vingt-sept voix, à parité avec les représentants des États-membres, lesquels sont fortement soupçonnés ici de vouloir s’arranger entre eux pour piper les dés, de façon que les parlementaires soient marginalisés.
Et, enfin, un ouf de soulagement…
…du côté de la Vallée de la Maurienne. Ayant tergiversé pendant plusieurs années entre différents niveaux de responsabilité officielle en France, on a évité d’extrême justesse un ratage d’anthologie.
Ce n’est en effet qu’avec un peu moins de vingt-quatre heures d’avance par rapport à l’échéance définitive que le gouvernement français est parvenu à communiquer à la Commission européenne qu’il avait enfin trouvé une clef de répartition entre l’État, la Région Rhône-Alpes-Auvergne, le Département de la Savoie et plusieurs municipalités, pour financer les 130 millions d’Euros nécessaires à l’apport français pour les liaisons entre LYON et l’entrée du futur tunnel franco-italien sous le massif, ainsi que pour le contournement nord de la Capitale des Gaules. Si l’échéance avait été manquée, les 90 millions d’Euros de subvention européenne auraient été irrémédiablement perdus. L’horizon de la liaison ferroviaire LYON-TURIN s’éclaircit donc à nouveau. En revanche, la ligne existante, victime d’un grave éboulement l’été dernier, ne sera rétablie au mieux qu’en novembre. D’ici-là, les voyageurs des TGV PARIS-MILAN sont transbordés en autocar pour franchir la frontière. Les habitués de la ligne attendent donc avec impatience l’inauguration en 2030 de la nouvelle liaison, logiquement baptisée La Transalpine.