La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

© European Union 2024 - Source : EP - Daina Le Lardic La semainière de Quentin Dickinson
© European Union 2024 - Source : EP - Daina Le Lardic

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, Quentin Dickinson, avez-vous passé un bel été ?...

Plutôt oui, merci ! Et vous avez raison, Laurent, cette chronique, habituellement hebdomadaire, a pris de (longs) quartiers d’été – voilà pourquoi elle prendra exceptionnellement la forme d’un devoir de rattrapage pour ceux de nos auditeurs qui auraient, eux aussi, pris un peu de recul par rapport à l’actualité.

On commence par quoi ?...

…par un tour de l’Europe institutionnelle. Comme tous les cinq ans à pareille époque, les nouveaux eurodéputés – soit plus de 48 % des 720 élus - tentent de se familiariser avec le détail de leurs pouvoirs et obligations, alors que le Parlement européen est censé fonctionner comme si de rien n’était.

Réélue à la présidence de l’institution, la Maltaise Roberta METSOLA apparaît désormais comme l’une des trois Dames de fer de l’UE, avec l’Allemande Ursula von der LEYEN à la présidence de la Commission européenne et (dès l’aval des eurodéputés) l’Estonienne Kaja KALLAS, future Haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité. Toutes trois sont membres du PPE, le parti européen de la droite modérée.

Précédemment chef du gouvernement de son pays, Mme KALLAS est la première représentante d’un pays balte à occuper une fonction européenne de premier plan. Peu suspecte de complaisance ni de faiblesse vis-à-vis des Russes (sa mère, alors âgée de quelques mois, avait été envoyée au goulag avec sa propre mère et sa grand-mère), elle est un ardent soutien de l’Ukraine.

Et du côté de la Commission européenne, pas de vacances estivales ?...

En tout cas, pas pour Mme von der LEYEN, qui, elle, aura passé l’été à constituer dans la douleur son collège de commissaires ainsi que la distribution des portefeuilles de ceux-ci. Si le nombre des commissaires est fixe – un par pays-membre – en revanche, la définition, les compétences, et le niveau hiérarchique des fonctions se mesurent avec une balance d’apothicaire. Premier problème : il y a objectivement trop de commissaires par rapport au nombre de services à gérer, puisque les États-membres refusent d’appliquer le pourtant bien rationnel plan de réduction de leur nombre, aucune capitale n’acceptant de perdre son commissaire. Autre casse-tête : peu de pays se sont conformés à la demande de Mme von der LEYEN (et de ses prédécesseurs) de lui soumettre deux candidats, un homme et une femme. Résultat : en l’état actuel des choses, la Commission européenne comptera une forte majorité masculine.

Ce n’est pas rattrapable ?...

Sans doute. On pourra compter sur le Parlement européen pour tenter de retoquer quelques commissaires (hommes) en exigeant qu’on les remplace par des femmes.

Mais l’ironie de la situation ne vous échappera pas, vu que le Parlement européen fraîchement élu est celui qui compte le moins de femmes depuis que l’institution est élue au suffrage universel direct il y a quarante-cinq ans. C’est un cas malheureusement habituel du Faites le contraire de ce que je fais moi-même.

Moins de remous en revanche du côté du Conseil européen, le club des chefs d’État et de gouvernement des Vingt-sept, le libéral belge Charles MICHEL, président depuis près de cinq ans, s’apprête à passer la main le 1er décembre prochain au socialiste portugais António COSTA.

Mais à BRUXELLES, il n’y a pas qu’au sein des institutions européennes que l’on change de pilote, Quentin Dickinson ?...

Vous avez raison, et c’est un hasard du calendrier si c’est justement cette année que l’OTAN accueille un nouveau Secrétaire général. Ayant traversé des dizaines d’alertes et de crises, prolongé plusieurs fois dans ses fonctions en raison des tensions internationales, le Norvégien Jens STOLTENBERG cède sa place à l’ancien Premier ministre des Pays-Bas, Marc RUTTE.

Celui-ci aura la tâche peu enviable de coordonner les réactions des trente-deux membres de l’Alliance atlantique aux provocations russes qui vont croissant en nombre, alors que deux États, la Hongrie et la Slovaquie, sont ouvertement prorusses, et qu’un troisième, la Turquie, tente maladroitement de jouer sur les deux tableaux.

Parallèlement, M. RUTTE prend ses fonctions à un moment-charnière de l’histoire de l’Europe et de l’Occident en général, où il faudra oublier d’urgence les illusions de paix et de prospérité éternelles nées de la chute du mur de BERLIN et de la désagrégation de l’Union soviétique. L’hostilité active du Kremlin, l’ambiguïté de la Chine, les menaces de l’Iran, appellent à la réactivation des industries de défense en Europe et en Amérique du Nord. Marc RUTTE le sait : Si tu veux la paix, renforce ta dissuasion.

Un entretien réalisé par Laurent Pététin.