Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?
Forcément, oui, puisque mardi dernier, nous sommes parvenus, avec un soulagement certain, à l’équinoxe vernal qui marque la fin de l’hiver.
Et les Européens ont toutes les raisons de s’en féliciter, qui ont traversé la saison froide sans problème énergétique majeur, qui ont su, individuellement et collectivement, modérer leur consommation de gaz, tout en évitant la récession économique qu’on tenait naguère pour automatique. On peut remercier les mesures d’urgence prises par l’Union européenne ainsi que l’efficacité de nos systèmes de protection sociale – sans doute imparfaits, mais les plus étendus du monde, quand même.
Il est un pays d’Extrême-Orient qu’on n’évoque pas souvent à BRUXELLES, c’est le Japon – mais, apparemment, c’est en train de changer, c’est cela ?
C’est en train de changer, vous avez raison. On a commencé à s’en apercevoir à l’occasion de la toute récente visite à KYEV du Premier ministre japonais, Fumio KICHIDA. C’est là que les observateurs (dont votre éditorialiste) se sont aperçus que le Japon était en quelque sorte notre allié oublié, et qu’il entendait bien faire comprendre qu’il était du côté des démocraties occidentales, face aux tentations hégémoniques de la Russie et de la Chine. Et, il y a quelques jours, M. KICHIDA était à BERLIN pour jeter les bases d’accords de sécurité et de défense avec le Chancelier fédéral SCHOLZ.
On mesure tout le chemin parcouru par le Japon, depuis les années 1960-1970, lorsqu’il était désigné comme le grand rival économique de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
Vous nous avez déniché, je crois, un projet européen passé quasi-inaperçu la semaine dernière ?
…assez injustement inaperçu, d’ailleurs. Vous qui vous demandez sur quelle réalité reposent en fait les publicités vantant le pourcentage élevé de matériaux recyclés dans un produit manufacturé ou la faible empreinte-carbone de celui-ci, sachez que la Commission européenne se pose la même question. Et, pour débusquer l’écoblanchiment et son cortège d’affirmations infondées, voire carrément mensongères, voici que la Commission lance la Directive des Plaintes Vertes, qui, une fois promulguée, permettra à tout consommateur de dénoncer ces pratiques commerciales dénuées de tout scrupule.
Et, sur votre lancée, vous allez vous-même dénoncer les conditions de recrutement des fonctionnaires et agents des institutions de l’UE…
…et je ne suis pas tout seul, puisque la Médiatrice européenne, Emily O’REILLY, vient d’ouvrir une enquête à ce sujet. Vous le savez, la sélection des personnels est assurée par une agence officielle, EPSO, fondée il y a vingt ans, et dont, depuis, je n’ai jamais entendu, ne fût-ce qu’une seule fois, quiconque dire du bien.
Vu l’afflux de candidats, EPSO s’est rapidement tourné vers les questionnaires à choix multiples, dont le dépouillement peut être réalisé par une machine, ainsi que vers des épreuves de logique formelle, bien connues dans le monde anglo-saxon, mais qui constituent un obstacle majeur pour les impétrants français ou italiens, notamment. Désormais, cette agence entend recruter à tous les postes et à tous les niveaux, les chauffeurs comme les administrateurs, exclusivement par l’Internet : de ce fait, vous obtiendrez votre recrutement (ou le rejet de votre candidature) sans avoir eu la moindre interaction avec une personne humaine. Le risque est – évidemment – très élevé d’incohérences, d’injustices, et de sélection de candidats manifestement inaptes.
Sur tout autre chose, avant de passer au Sommet de jeudi et de vendredi derniers, j’ai noté que la Belgique reconnaît désormais comme religion le Bhouddisme ; seule l’Autriche avait jusqu’ici franchi ce pas, dont je ne sais pas bien ce qu’il faut en penser. Mais on me dit que c’est sûrement très bien.
Sûrement. Alors, on en vient maintenant au temps fort de la semaine écoulée, c’est-à-dire le Sommet des vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’UE…
Cette réunion est officiellement dénommée Conseil européen, que vous êtes priés de ne pas confondre avec le Conseil de l’Union européenne (là, ce sont les ministres et pas leurs chefs) ni avec le Conseil de l’Europe (qui n’a rien à voir avec l’UE).
Mais revenons à cette réunion : il était prévu que cet éminent aréopage devait se concentrer sur les questions économiques et sur la Guerre d’Ukraine. Mais, comme souvent, l’ordre du jour a été éclipsé par des sujets du moment. Cette fois-ci, il y en a eu deux : l’automobile à moteur thermique et la personnalité du Président du Sommet, l’ancien Premier ministre belge, Charles MICHEL. L’automobile faisait l’objet d’un furieux bras-de-fer entre Français et Allemands, les premiers plaidant le respect de la décision d’interdire dès 2035 la vente de tout véhicule neuf à moteur thermique, et les seconds adeptes de l’autorisation des voitures fonctionnant au biocarburant. Un compromis, plutôt favorable à la position des pays constructeurs d’automobiles, est intervenu peu de temps après la fin du Sommet.
Quant au cas de Charles MICHEL, dont le mandat expire vers la fin de l’année prochaine, il n’est pas exagéré de dire que chacun ou presque y est allé de son reproche : ‘incapable de travailler en équipe’, ‘rapports dégradés avec la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der LEYEN’, ‘trop souvent absent en déplacement partout dans le monde’, ‘réunions du Conseil mal préparées et mal dirigées’ – soyons charitables, arrêtons là.
Je crois savoir que vous êtes inspiré par le ChatGPT…
…qui n’est pas près de rédiger cet éditorial à ma place (enfin, je crois). Et c’est plutôt l’eurodéputé écologiste allemand Daniel FREUND qui a eu l’idée de demander à ce portail d’intelligence artificielle de composer un poème sur le Premier ministre hongrois, Viktor ORBÁN.
Je vous en livre une version traduite de l’anglais : « L’empire de Viktor ORBÁN est fait de clubs de football et de luxueux palais / Il est bâti sur des escroqueries et sur les détournements / Le moment est venu de nettoyer tout ça / Il faut se battre / Nous ne baisserons pas les bras jusqu’à qu’il ait disparu »…
Entretien réalisé par Laurence Aubron.