Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, QD, qu’avez-vous retenu de ces jours derniers ?...
En fait, je ne sais pas vraiment quels éléments retenir de ces dix derniers jours, tant les contre-ordres succèdent aux ordres et que la confusion règne partout.
Ainsi, comme il fallait s’y attendre, dans les heures qui ont suivi l’annonce du désengagement total des Américains et l’abandon de leur soutien à l’Ukraine, le Kremlin en a profité pour accroître considérablement les attaques meurtrières contre la population civile dans une grande partie du territoire ukrainien.
Parallèlement, les Russes ont lancé une contre-offensive majeure contre les forces ukrainiennes en territoire russe dans l’oblast de KOURSK. La saillie ukrainienne est actuellement réduite de plus de la moitié en étendue par rapport aux gains enregistrés lors de l’attaque-surprise il y a près de neuf mois, et le risque est réel qu’une partie du corps expéditionnaire ukrainien soit encerclé.
Autour de POKROVSK, sur le front sud-est, il semblerait toutefois qu’un encerclement du contingent russe par une contre-offensive ukrainienne soit en cours.
Cependant, les comptes-rendus de source fiable sont rares, et la guerre des communiqués rend particulièrement malaisée une appréciation d’ensemble des mouvements sur les différents fronts.
Mais la confusion ne se limite pas aux opérations militaires en cours en Ukraine…
En effet. La confusion perce aussi à WASHINGTON, où l’omniprésence de Elon MUSK au cœur du gouvernement américain commence à en indisposer plus d’un dans le camp des républicains. Exemple : lors d’une réunion ministérielle la semaine dernière, un échange brutal a opposé le milliardaire au Secrétaire aux Transports, qui reproche à M. MUSK d’avoir tenté de licencier en masse des aiguilleurs du ciel, alors que les États-Unis connaissent depuis peu une succession de catastrophes aériennes.
Mais Donald TRUMP préside quand même ces réunions, non ? On imagine qu’il intervient sans ménagement pour départager les siens ?...
Eh bien, pas vraiment. Étonnamment muet pendant cet affrontement, Donald TRUMP a fini par trancher : ce sont les Secrétaires (terme qui désigne les ministres américains) qui ont la main sur leurs services, mais que « Elon fait du bon travail ». Même réaction du même TRUMP lorsque MUSK s’en prend au Secrétaire d’État (c’est-à-dire le ministre des Affaires étrangères) Marco RUBIO, coupable selon le milliardaire de ne pas licencier de diplomates. RUBIO lève la voix pour démontrer le contraire. Arbitrage de TRUMP : « C’est vrai, mais Marco a beaucoup de travail ».
On a connu des arbitrages plus brutalement décisifs.
Mais, pendant ce temps, de leur côté, les Européens s’organisent…
C’est cela : les Européens – mais aussi les Canadiens – s’organisent pour poursuivre leur soutien à l’Ukraine ainsi que leur propre défense contre le front russo-américain qui les menace.
Les Canadiens ciblent par paliers successifs leurs importations des États-Unis, et, dans la confusion générale, TRUMP annonce un report de trente jours de ses droits de douane à 25 % sur les produits importés d’origine canadienne. Quasi-simultanément, voilà les Chinois qui décident de surtaxer tout ce qui provient des États-Unis, mais aussi du Canada et de l’Union européenne.
On retiendra que, dans le domaine de l’économie, les initiatives de Donald TRUMP, semeur de tempêtes, récoltent des ouragans ; on savait la mondialisation déjà assez mal en point, mais voici que les assez fragiles équilibres du commerce international se trouvent autant remis en cause que ceux des relations internationales.
Et les Européens, dans cette confusion générale ?...
Les Européens font face à leur difficulté habituelle, dès lors qu’il s’agit de prendre rapidement des décisions structurantes qui s’éloignent de leurs mécanismes de décision, fondés sur la consultation et le consensus.
Sur le soutien militaire à l’Ukraine, les Vingt-sept et d’autres pays européens membres de l’OTAN cherchent d’urgence les moyens techniques de compenser, autant que faire se peut, l’abandon des Américains en matière d’armement et du renseignement.
Sur le financement du soutien à l’Ukraine, l’accord est intervenu à vingt-six, soit tous les pays-membres, sauf la Hongrie, abandonnée par la Slovaquie, pourtant jusqu’ici fidèle soutien poutiniste de BUDAPEST.
Cependant, sur le tout prochain renouvellement des sanctions contre la Russie, qui doivent être prises à l’unanimité, il faudra, aux institutions de l’UE, trouver le moyen de contourner l’opposition des Hongrois.
Sur ces multiples fronts, la lutte continue.
Un entretien réalisé par Laurent Pététin.