« La démocratie est le pire des systèmes… à l’exception de tous les autres », disait Churchill. Une phrase qui prend tout son sens à l’heure où les populismes progressent partout en Europe. Pour éclairer ce phénomène, le Mouvement Européen – Alsace accueillait, le 18 novembre au Café Michel à Strasbourg, Martial Libera, professeur en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg et titulaire de la Chaire Jean Monnet IDECE.
Dès le début de l’échange, l’historien rappelle qu’il faut parler de populismes au pluriel. Le terme recouvre des mouvements très différents, de droite comme de gauche, dont les priorités peuvent diverger radicalement. Mais tous reposent sur quelques piliers communs : l’exaltation d’un « peuple » présenté comme uni et vertueux, l’opposition frontale entre ce peuple et des élites accusées de trahir l’intérêt général, la mise en avant de leaders charismatiques, et une vision de la démocratie centrée sur la participation directe, notamment par les référendums.
Martial Libera explique que l’essor de ces mouvements s’enracine dans une multiplicité de crises : crise de la représentation politique, inégalités économiques croissantes, inquiétudes identitaires, déclin des partis traditionnels, et méfiance envers l’Union européenne. Les populismes prospèrent aussi sur la désinformation, l’usage stratégique des émotions et du complotisme, qui permettent de « rendre le monde plus simple et intelligible », selon l’expression du chercheur.
Cette dynamique n’est pas sans conséquence : en Hongrie, par exemple, les veto répétés de Budapest au Conseil européen montrent à quel point un gouvernement populiste peut peser sur le fonctionnement de l’UE. Et la progression de ces partis au Parlement européen pourrait, à terme, viser à transformer l’Union de l’intérieur.
En France, les derniers sondages indiquent qu’une part importante de l’électorat — environ un tiers selon les études — pourrait aujourd’hui soutenir un parti classé comme populiste ou souverainiste. Un chiffre à manier avec prudence, puisque populisme et extrême droite ne se recoupent pas toujours, mais qui illustre clairement l’ampleur du phénomène décrit par Martial Libera.
Un débat riche, qui rappelle combien il est essentiel de comprendre les ressorts historiques, sociaux et émotionnels de cette vague politique… pour mieux penser l’avenir de nos démocraties.
Une interview de Dara O'Carroll.