Les femmes ou les "oublis" de l'Histoire

Harriet Tubman, la "Moïse noire"

© Teamcolibri.org Harriet Tubman, la "Moïse noire"
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Vous connaissez Harriet Tubman ?

Appelée la « Moïse noire », cette ancienne esclave du Maryland s’est libérée de ses chaînes avant d’aider des centaines d’esclaves à fuir l’horreur des plantations.

Cheffe de guerre et militante abolitionniste, Harriet Tubman est une grande figure de la lutte contre l’esclavage et pour l’égalité.

Née Araminta Ross dans une plantation du Maryland entre 1820 et 1825 (il n’y a pas de registre pour les esclaves), elle prendra plus tard le prénom de sa mère, Harriet.

Ben, son père, est un Noir libre qui travaille sur une autre plantation mais sa mère est esclave ; elle et ses 9 frères et sœurs sont donc né·es esclaves.

« L’esclavage, c’est l’antichambre de l’Enfer »

Dès son plus jeune âge, elle est louée par son maître à une autre famille pour surveiller un bébé et l’empêcher de pleurer la nuit. Chaque fois qu’il pleure, elle est battue.

Adolescente, elle reçoit un poids très lourd sur la tête, un coup violent porté par un contremaître dans les champs. Elle devient narcoleptique suite à la commotion cérébrale. Dès lors considérée comme « une mauvaise ouvrière », on cherche à la vendre.

Harriet interprète ses crises comme des signes du divin. A chaque évanouissement, elle a une « vision » qu’elle décode en termes religieux. C’est ainsi que se construit l’idée qu’elle est élue. En fréquentant régulièrement l’église – réservée aux Noir·es ou tolérant les Noir·es –, elle forme une conscience communautaire et une pensée de rébellion.

L'épisode de la fuite d’Egypte résonne particulièrement : le "peuple élu" devient le peuple noir. Cette parole circule dans les gospels et les spirituals – puis dans le jazz et le blues.

Dans les années 1840, la parole des Noir·es libres commence à se faire entendre. Son père a été affranchi. Elle épouse John Tubman, un Noir libre, en 1944. Des informations commencent à circuler sur un réseau de fuite clandestin, l’Underground Railroad, créé par des Noir·es libres et des Quakers – notamment des femmes Quakers.

« De Noël à mars, le jour, je travaillais autant que je pouvais et la nuit, je priais (…) si vous n’arrivez pas à transformer le cœur de mon maître, tuez-le. »

En 1849, son maître meurt et elle entreprend une évasion vers la Pennsylvanie, où l’esclavage est aboli. Elle essaye d’entraîner son mari et ses deux frères mais son mari refuse et ses deux frères rebroussent chemin rapidement. Dans sa fuite, elle est aidée par les militants et les militante de l’Underground Railroad – et la voix de Dieu ?

Elle parcourt plus de 145 km, seule, toujours de nuit, jusqu’à Philadelphie.

« Quand j’ai franchi la frontière, j’ai regardé mes mains pour voir si j’étais bien la même personne. Il y avait une telle lumière, une telle joie répandue sur tout le paysage… J’ai eu la sensation d’être arrivée au Paradis. »

L’Enfer est de retour l’année suivante. En 1850, le Congrès vote le « Fugitive Slave Act », une loi qui renforce les droits des maîtres et autorise la traque des esclaves en fuite dans les Etats libres pour les ramener sur les plantations. Même les Etats libres deviennent dangereux et celleux qui aident les esclaves sont menacé·es. Une seule solution : le Canada.

Harriet, au contraire, fait demi-tour : elle retourne dans le Maryland porter secours à ses frères et sœurs dans les champs de coton.

Pendant 10 ans, elle mène des expéditions nocturnes entre le Nord et le Sud esclavagiste. Elle guide plus de 300 esclaves sur l’Underground Railroad vers la liberté.

La tête de « Moïse » est mise à prix : 50 000 dollars. Mais qui pourrait imaginer que Moïse est une femme ? Sa maîtresse finit par la reconnaître mais Harriet est maline : femme et analphabète, elle se déguise en homme et lit consciencieusement un journal pour passer inaperçue.

Pendant la Guerre de Sécession, Harriet prend les armes et rejoint les abolitionnistes au front. Armée par les troupes nordistes, elle dirige un peloton et mène une guérilla. Elle est aussi infirmière, cuisinière, éclaireuse et espionne. Elle devra attendre 30 ans pour toucher une pension militaire.

A la fin de la guerre, l’esclavage est aboli mais Harriet sait que le combat n’est pas fini. Elle devient une voix politique féministe noire et milite pour l’égalité et notamment le droit de vote. Elle est aidée par des abolitionnistes blanches, ce qui lui confère une certaine aura et lui permet de fréquenter le Secrétaire d’Etat de Lincoln. Mais Harriet reste une femme noire dans une société qui n’en veut pas. Elle vit toute sa vie dans le dénuement. Pauvre mais libre.

Elle s’éteint le 10 mars 1913 dans la résidence pour nécessiteux et nécessiteuses noir·es qu’elle a fondée à Auburn, en Alabama.

Arrivée en tête d’une consultation lancée par l’administration Obama, elle devait figurer sur le billet de 20$ US et ainsi remplacer Andrew Jackson (propriétaire d’esclaves qui participa au génocide des Amérindiens et des Amérindiennes). Cette décision sera annulée par l’administration Trump.