L'éco de Marc Tempelman

Le risque climatique n’en serait pas un - L'éco de Marc Tempelman

Le risque climatique n’en serait pas un - L'éco de Marc Tempelman

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

La semaine dernière, un certain Stuart Kirk, le patron mondial de l’investissement socialement responsable (ISR) de la banque HSBC a délivré une présentation très remarquée à une conférence sur le réchauffement climatique. L’intitulé de son discours était tout simplement “Pourquoi les investisseurs·euses n’ont pas à s’inquiéter du risque climatique”. Une position à contre-courant et qui en a choqué plus d’un·e.

C’est étonnant en effet. Comment a-t-il défendu sa position ? J’imagine que Kirk n’est pas un simple climato-sceptique.

Vous avez raison. Stuart Kirk est un ancien journaliste du Financial Times et diplômé de l’université de Cambridge. Il reconnaît volontiers que la terre est en train de chauffer et le climat en train de changer.

Il soutient simplement que les investisseurs·euses peuvent ignorer ce risque. En avançant notamment quatre arguments.

Premièrement, l’histoire montre que l’humain exagère toujours les risques associés aux changements. L’invention de la machine à vapeur allait détruire le tissu social, le krach de 1929 signalait la fin du monde, et plus récemment, en 1999 nous étions persuadé·es que les systèmes informatiques allaient tous s’arrêter lors du passage à l’an 2000. Il n’en a jamais rien été, pourquoi l’effet du réchauffement climatique serait-il différent ?

Deuxièmement, et dans le prolongement du premier argument, l’humain possède une étonnante capacité d’adaptation. Qui devrait, selon Kirk, lui permettre de s’adapter au réchauffement climatique. Il choisit un exemple parlant pour appuyer son discours. Selon les expert·es, le réchauffement climatique est en train de faire monter le niveau des océans. Qui pourrait donc mettre une ville comme Miami à 6 mètres sous le niveau de la mer. La conclusion pour Kirk : “et alors ?”. Cela fait plus d’un siècle qu’Amsterdam est sous le niveau de la mer et il s’agit d’une ville charmante où il fait bon vivre.

Étonnant en effet, mais pas complètement illogique. Comment finit-il sa démonstration ?

Il renforce son argumentaire par deux autres points. Premièrement, il souligne comment, selon lui, les banques centrales manipulent les données. Elles injecteraient des hypothèses délibérément irréalistes, afin d’arriver à des conclusions alarmistes sur l’impact que pourrait avoir le réchauffement de la planète.

Enfin, il rappelle que la bourse s’est appréciée de 6% par an en moyenne sur une durée très longue, qui comprend deux guerres mondiales, une crise du pétrole, une crise financière majeure et une pandémie mondiale. Il ne voit pas pourquoi les choses seraient différentes aujourd’hui.

Quelles ont été les réactions à cette prise de position plutôt originale ?

Son discours a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Stuart Kirk a été rapidement lâché par ses patrons à HSBC, qui se sont empressés de le suspendre de ses fonctions et de préciser que sa présentation ne reflétait pas la position officielle de la banque. Précisons quand même que sa hiérarchie avait vu et validé ses slides en amont.

Mais dans le secteur de la gestion d’actifs, plusieurs voix se sont élevées pour au moins saluer la volonté de Stuart Kirk d’ouvrir le débat sur un sujet clivant et qui déclenche rapidement les passions.

Pour conclure, qu’en pensez-vous ?

Je pense que la prise de position de Stuart Kirk est utile, dans le sens où elle force le débat sur le manque d’homogénéité dans les mesures de l’impact du réchauffement climatique. Kirk dénonce aussi à juste titre la montée du greenwashing, où de plus en plus de sociétés et de dirigeants s’affichent comme étant engagés dans la lutte contre le réchauffement de la planète, sans réellement changer leurs activités industrielles.

Mais il est probablement allé trop loin en soutenant que le réchauffement climatique n’allait pas avoir d’impact majeur d’un point de vue purement financier. D’abord parce qu’il me paraît trop dangereux de miser sur la capacité d’adaptation des humains sur un sujet aussi radicalement impactant. Mais aussi parce qu’il me semble que ce sujet dépasse très largement la sphère purement financière. Et dès qu’on prend en compte des critères sociaux, il n’y a plus vraiment à se poser la question de savoir s'il faut combattre le réchauffement climatique ou pas. Mais plutôt se demander ce que nous pourrions faire de plus.

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