Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Bonjour. Je voulais vous proposer d’échanger à nouveau au sujet de l’investissement responsable. Nous nous en parlons régulièrement, car c’est un sujet qui me tient à cœur. Et aujourd’hui c’est en effet parce que les investisseurs semblent se détourner de ce type de placement.
Peut-être pourriez-vous commencer par nous rappeler en quoi consiste l’investissement socialement responsable ?
Bien sûr. En France comme ailleurs, les épargnants sont de plus en plus soucieux de savoir où est placé leur argent. Pas seulement pour s’assurer qu’il rapporte le plus possible, mais aussi pour vérifier qu’il est utilisé à des fins responsables. L’investissement responsable est donc un secteur important du marché de l’épargne, au sein duquel les gérants de fonds s’engagent à déployer l’argent qui leur est confié pour le faire travailler en faveur de la transition énergétique, la protection de la planète, l’inclusion sociale et une gouvernance juste.
Ces placements responsables jouissent d’ailleurs de certains labels, comme ISR, pour Investissement Socialement Responsable ou encore ESG, pour Environnement, Social et Gouvernance, n’est-ce pas.
Tout à fait. Et ce secteur a connu une très forte croissance durant les 10 dernières années. Mais une étude de la banque Barclays vient de mettre en évidence que depuis le début de cette année, le secteur ESG a connu un désinvestissement net de 40 milliards de dollars. Autrement dit, les épargnants ont massivement vendu les fonds ESG.
C’est surprenant. Qu’est-ce qui peut expliquer ce désintérêt des investisseurs pour une thématique pourtant aussi cruciale ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse de la demande pour des placements socialement responsables. Le premier est sans doute la sous-performance relative du secteur par rapport aux fonds d’investissement traditionnels. Il faut évidemment raisonner en moyennes, mais les fonds ESG ont souffert de leur exposition tout à fait naturelle envers des sociétés d’énergies renouvelables et leur sous pondération ou même absence d’investissement dans le secteur pétrolier.
Les sociétés cotées en énergies renouvelables souffrent, alors que le secteur pétrolier a connu plusieurs années fastes, avec un cours du pétrole plutôt élevé. Les cours de bourse reflètent les divergences entre les deux secteurs.
Donc certains investisseurs donnent la priorité au rendement financier et mettent leurs convictions morales au second plan.
Il y a un peu de ça. Mais pas que. En effet, de nombreux épargnants ont été choqués par plusieurs scandales dans le secteur de la gestion d’actifs, où des gérants ont prétendu faire des investissements responsables. On peut citer le géant allemand DWS à qui le régulateur américain a imposé une amende de 19 millions de dollars pour avoir survendu le côté socialement responsable de leurs placements.
On peut comprendre que cela refroidit des épargnants qui avaient l’intention de vouloir faire du bien avec leur argent.
Et puis, j’imagine que le lobbying anti-investissement responsable aux États-Unis a pu impacter le secteur ?
Oui. Dans certains États comme le Texas, où l’industrie du pétrole pèse lourd dans l’économie locale, les dirigeants politiques, typiquement Républicains, attaquent les gérants d’investissement responsables en justice. Ils estiment que d’exclure les sociétés pétrolières de leurs placements est contraire aux lois anti-trust américaines.
Peut-on conclure que la mode des investissements responsables touche à sa fin ?
La mode peut-être, mais la tendance de fond nous paraît aussi irréversible qu’indispensable. Il va bien falloir financer la transition énergétique et des capitaux privés seront nécessaires pour y parvenir. Il nous semble que la baisse des encours récente souligne - premièrement - qu’il est grand temps d’harmoniser les critères définissant l’investissement responsable, - deuxièmement - de s’assurer que ces critères soient rigoureusement appliqués et - troisièmement - de créer les conditions de concurrence qui permettraient aux acteurs responsables d’avoir des modèles financiers aussi profitables que ceux de leurs concurrents traditionnels.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron