Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons toutes les semaines de finance.
Cette semaine, avec Marc Tempelman nous parlons du Livret A, un des produits d’épargne les plus répandus en France, mais qui ne rapporte quasiment plus rien aujourd'hui.
Tout à fait, je pensais qu’il était utile d’analyser les avantages et les inconvénients du Livret A. Notamment en ces temps de restrictions, et de couvre-feu, qui font que nous sommes nombreux à mettre de côté de façon plus ou moins forcé. Et quand nous le faisons, le Livret A est souvent le compte sur lequel nous mettons notre épargne.
Vous connaissant, si vous dîtes cela, c’est que vous avez quelques chiffres à l’appui.
Bien évidemment. La collecte nette sur le Livret A au mois de janvier a atteint un niveau proche des records historiques. En effet, en prenant les dépôts frais sur le Livret A, moins les retraits, le total des encours sur le Livret A a augmenté de 7,2 milliards d’euros. Ce qui est presque autant qu’en avril 2020, le mois qui a suivi le premier confinement national plutôt draconien.
Et cela porte le total déposé sur les livrets réglementés au montant gigantesque du 455 milliards d’euros, malgré un taux de rendement qui est à son plus bas historique de 0,5%.
Comment expliquez-vous ces volumes d’épargne importants ? S’agit-il tout simplement d’un effet saisonnier ? Ou est-ce à cause du confinement ?
Les deux, mon colonel. Il est vrai qu’historiquement, les premiers mois de l’année sont typiquement le moment où nous mettons de côté après les dépenses festives du mois de décembre.
Deux phénomènes s’y sont ajoutés en 2021, qui expliquent l’afflux hors du commun de dépôts. Premièrement, le fait que le couvre-feu, combiné avec la fermeture des commerces non-essentiels réduisent mécaniquement les opportunités pour dépenser. Un exemple très concret de ce cette idée est la fermeture des stations de ski. Les vacances au ski représentent typiquement un gros poste budgétaire pour les ménages qui ont la chance d’aller skier tous les ans. Bon nombre de ces ménages n’ont pas pu partir à la montagne cette année.
Deuxièmement, l’environnement incertain et la menace du virus fait naturellement augmenter le niveau d’anxiété que nous pouvons ressentir. Face à l’incertitude, le réflexe compréhensible peut être de se constituer une poche d’épargne plus importante que d’habitude, « au cas où ».
D’accord, compris. Mais le Livret A ne verse presque plus rien. Pourquoi les Français l’utilisent-ils autant ?
Je pense que le Livret A jouit d’une telle familiarité que de nombreuses personnes l’utilisent pour leur épargne sans trop se poser la question de sa rémunération. N’oubliez pas que ce livret réglementé a été créé sous Louis XVIII. On l’utilise par habitude. Quatre Français sur cinq en ont un. D’ailleurs, en 2020, un sondage de la Banque de France avait montré que seuls 3 Français sur 10 connaissaient le taux du Livret A.
Quels avantages offre-t-il pour que ce produit soit autant entré dans nos habitudes ?
Tout d’abord, toute personne, majeure ou encore mineure peut ouvrir un Livret A.
Ensuite, votre épargne y est accessible en permanence. L’épargnant peut à tout moment retirer son argent. C’est ce qu’on appelle aussi la liquidité d’un produit d’épargne, qui, pour le Livret A, est maximale.
En outre, il est sécurisé. L’argent qui y est déposé est garanti par l’État. Alors il est vrai que jusqu’à 100 000 euros vos dépôts sur un compte bancaire classique le sont également, mais dans ce cas-là il s’agit de la garantie offerte par le Fonds de Garantie des Dépôts et non pas de celle de l’État. C’est une nuance, mais en matière d’argent, il faut être précis.
Enfin, s’il rapporte peu, le Livret A ne coûte rien. Comme vous le savez, bon nombre de banques appliquent aujourd’hui des frais de tenue de compte, et viennent donc prélever des charges fixes, tous les trimestres, même sur des comptes courants qui ne rapportent aucun intérêt.
Mais il n’y a pas d’alternatives quand même ?
Si, et vous avez raison de poser cette question, car le Livret A n’a pas que des avantages. Outre sa très faible rémunération, il est limité à 22 950 euros par personne. Donc les personnes plus fortunées doivent trouver des alternatives pour leurs liquidités au-delà de ce plafond.
Exactement. Donc quelles autres solutions existent pour ceux qui ne veulent pas mettre à risque leur épargne, ni la bloquer pour de longues périodes ?
Alors les solutions sont rares, mais il y en a. Tout d’abord, il y a le contrat assurance vie en euro. Il est à capital garanti, et contrairement à l’idée reçue, l’argent versé reste très accessible et n’est pas bloqué. Le rendement sur ce type d’assurance vie n’a cessé de se réduire depuis des années, mais se situait malgré tout aux alentours de 1% l’année dernière, sans limites de montant.
Puis il y a les super livrets. Quelques banques, moins connues du grand public, ont fait le choix de ne pas avoir d’agences bancaires. Elles ne possèdent donc pas de moyens naturels pour attirer des dépôts. Or elles en ont besoin pour leurs activités. Elles proposent donc de les rémunérer et versent des intérêts sur leur comptes d’épargne à vue bien supérieurs à la moyenne. Parmi elles on peut citer My Money Bank (l’ancienne GE Banque) ou encore RCI banque.
Interview réalisée par Laurence Aubron
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