L'éco de Marc Tempelman

Les baby-boomers ne dépensent pas

© Photo de Mark Timberlake sur Unsplash Les baby-boomers ne dépensent pas
© Photo de Mark Timberlake sur Unsplash

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. Je souhaitais aborder avec vous le sujet des baby-boomers, cette cohorte de la population qui est née entre 1946 et 1964. Ils ont donc entre 60 et 78 ans, c’est-à-dire que ce sont de jeunes retraités ou des gens qui vont bientôt partir à la retraite.

On dit de cette génération qu’ils constituent la génération la plus chanceuse, car ils n’ont pas connu de guerres, et ont bénéficié d’une forte croissance économique.

Exactement. Logiquement, ils disposent (en moyenne) d’une richesse considérable. Le problème est qu’ils ne semblent pas vouloir la dépenser.

Qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?

La théorie économique veut que quand on est jeune adulte on dépense plus qu’on ne gagne, pour payer son éducation ou acheter sa résidence principale. Puis on épargne jusqu’à sa retraite. Puis on dépense cette épargne pour mettre du beurre dans les épinards durant sa retraite.

Les baby-boomers contredisent cette théorie. Ils sont nombreux à ne pas trop toucher à l’épargne et certains continuent de mettre de côté alors qu’ils sont à la retraite.

Avez-vous quelques chiffres pour illustrer cette tendance ?

Oui. Aux États-Unis, en 1995 46% des retraités indiquaient avoir épargné l’année précédente. Ce taux est monté à 51% en 2022. En Australie, dans les années 2000, les personnes âgées n'épargnaient quasiment rien de leurs revenus. En 2022, 14% d’entre eux mettaient de l’argent de côté. En Allemagne, de 2017 à 2022 le taux d’épargnants parmi les retraités est passé de 17% à 22%.

Pourquoi ces baby-boomers ne profitent-ils pas un peu plus de leur retraite ?

Il y a trois facteurs explicatifs. La première est le désir ou même le besoin de transmettre une partie de sa richesse aux générations suivantes, moins chanceuses. Il s’agit notamment d’aider leurs enfants à acheter une résidence ou à payer leurs frais scolaires. Aujourd’hui les Américains héritent 50% de plus que ce qu’ils recevaient en héritage dans les années 1980 et 1990. En Irlande, l’héritage moyen a doublé sur la même période.

Le second facteur est peut-être que la longévité s’est allongée ?

Tout à fait. De nombreux boomers vont devenir centenaires. Autrement dit, de nombreux membres de cette génération vont passer plus du tiers de leur vie à la retraite. Ce qui peut entraîner des dépenses médicales lourdes, pendant longtemps. Les boomers s’en méfient, et préfèrent donc ne pas toucher à leur patrimoine, au cas où il faudra assumer une partie ou la totalité de ce suivi médical potentiel.

Et le troisième facteur ?

La pandémie du Covid. Les gens âgés étaient et sont toujours plus à risque. Ils ont donc été nombreux à développer des styles de vie isolés, qu’ils ont du mal à changer. En 2022, les boomers américains dépensaient 18% de moins pour aller dîner au restaurant qu’en 2019. En sortant moins, les boomers épargnent plus, presque par accident.

Pour conclure, ce comportement inattendu des baby-boomers a-t-il des conséquences économiques ?

Oui. Si les boomers avaient adopté des attitudes plus dépensières, cela aurait pu avoir un effet inflationniste. Un pool de retraités grandissant aurait exigé des services et des biens de la part d’une cohorte de travailleurs de moins en moins grande. Cela aurait pu conduire à une inflation sur les salaires.

Inversement, certains secteurs de l’économie mondiale, comme le tourisme pour personnes âgées, les crèmes rajeunissantes et les médicaments pour certaines maladies ne se développent pas aussi vite que certains investisseurs espèrent.

Pour preuve, l’indice boursier “Ageing Society”, qui suit la performance boursière des entreprises cotées qui ciblent les retraités, a sous-performé l’indice boursier actions monde de 1% en moyenne, pendant les 5 dernières années.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.