L'éco de Marc Tempelman

La transition énergétique : l’Europe vs les États-Unis


© Appolinary Kalashnikova sur Unsplash La transition énergétique : l’Europe vs les États-Unis

© Appolinary Kalashnikova sur Unsplash

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. En Europe, la nécessité de la transition énergétique ne fait plus vraiment débat. C’est plus une question de qui doit faire quoi et à quelle vitesse pour y parvenir. En revanche, aux USA les choses ne sont pas aussi simples. Et la semaine dernière deux actualités dans le domaine du pétrole permettent d’illustrer ce gouffre entre les deux continents.

Très bien, commençons peut-être par parler de ce qu’il s’est passé en Europe.

La France fait partie des pays où la population et le gouvernement sont très largement conscients de la nécessité de basculer des énergies fossiles vers un usage proportionnellement de plus en plus important d’énergies renouvelables et propres.

Et c’est pourquoi, soit par conviction, soit sous la pression publique, les banques françaises se sont engagées à prêter moins au secteur pétrolier.

Mais la semaine dernière, devant le Sénat, les dirigeants de la BNP et du Crédit Agricole sont allés plus loin. Ils se sont engagés à ne plus participer à des émissions obligataires d’emprunteurs du secteur pétrolier, sauf si les montants de dette ainsi levés étaient spécifiquement dédiés à des projets d’investissements verts, c’est-à-dire dans des projets d’énergies renouvelables.

Donc pour que je comprenne bien. Ces banques vont non seulement réduire les volumes d’argent qu’elles prêtent elles-mêmes à des acteurs comme Total Énergies, Shell ou encore Exxon, mais elles vont cesser d’aider ces entreprises de s’endetter sur les marchés financiers ?

Oui, c’est exactement ça. Et c’est un geste fort, car les émissions obligataires rapportent des commissions importantes aux banques qui les dirigent.

D’accord, c’est donc sans doute un pas dans la bonne direction de la décarbonation. Vous dîtes qu’aux États-Unis, les choses ne sont pas aussi claires ?

En effet. Là-bas, deux groupements d’actionnaires de la société pétrolière Exxon avaient voulu soumettre une résolution à l’assemblée générale pour forcer l’entreprise à réduire son empreinte carbone. Cette proposition de résolution a depuis été retirée.

Oui, c’est probablement regrettable.

Sauf que l’histoire ne s’arrête pas là. Malgré le retrait de cette proposition, la direction d’Exxon a décidé d’attaquer juridiquement ces deux groupes d’actionnaires, que sont Follow This et Arjuna Capital.

Comme Follow This est basé à Amsterdam, la justice américaine a laissé tomber la procédure contre ce groupement, mais la poursuite judiciaire à l’encontre de Arjuna Capital est jugée recevable.

Mais sur quels fondements juridiques Exxon peut-il attaquer ses propres actionnaires ?

La société estime que les propositions de résolution de ces actionnaires sont frivoles, interfèrent trop avec la gestion quotidienne de la société et s’apparente à de l’interférence.

La position prise par Exxon est-elle acceptée par les autres actionnaires ?

En tous cas pas par tous. Deux de ses plus importants actionnaires ont publiquement pris position contre cette tactique agressive. Il s’agit de Calpers, le plus gros fonds de pension américain et de Norges, le fonds souverain de la Norvège, qui ont indiqué qu’ils allaient voter contre la réélection contre Jay Hooley, membre du Conseil de Surveillance d’Exxon, et à l’origine de cette manœuvre.

Cela ne veut pas dire que Calpers et Norges soutiennent les initiatives en faveur de la transition énergétique initialement proposées par leurs co-actionnaires. Mais ces gigantesques fonds d’investissements s’inquiètent des conséquences d’une éventuelle condamnation des accusés. Car cela limiterait les droits des actionnaires d’imposer des ajustements de stratégie aux entreprises dans lesquelles ils investissent. Un comble, pour l’un des pays les plus libéraux du monde !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron