Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
La décision par le Président de la République de dissoudre l’Assemblée Nationale a chamboulé le monde politique, mais aussi les marchés financiers. Je vous propose d’analyser la réaction - très négative - des marchés à cette annonce, et d’expliquer pourquoi les élections législatives anticipées ont autant impacté la bourse et les taux d’intérêts.
Commençons peut-être par le constat, qui semble sans appel. La semaine dernière, dans le prolongement de l’annonce des résultats des élections européennes, les marchés financiers se sont orientés à la baisse.
Oui, la décision de dissoudre l’Assemblée a eu l’effet d’une bombe sur les marchés financiers. Commençons par la bourse. Le CAC 40 a dévissé de plusieurs pourcents en une semaine, pour retrouver ses niveaux de février. Les chutes des cours de bourse ont notamment affecté le secteur bancaire. Ainsi la Société Générale a perdu plus de 15% de sa capitalisation boursière.
Sur le marché obligataire ce n’est guère mieux. Le taux de l’OAT, c’est-à-dire de la dette de l’État français à 10 ans, est d’environ 3,20%. Ce qui reflète une hausse de 0,2% en une semaine et ce qui correspond au niveau du taux de l’OAT de novembre dernier.
Enfin, sur le marché du change, notre devise, l’euro, s’est affaiblie face au Dollar.
Qu’est-ce qui peut expliquer ce décrochage ? S’agit-il d’une réaction de panique ?
C’est une banalité, mais qu’il convient de le rappeler : les marchés financiers détestent l’incertitude. Un principe que les Anglais aiment résumer par “Shoot first and ask questions later” (ou “Tirer d’abord et poser des questions après). En cas d’instabilité et de manque de visibilité, l’idée est de vendre les actifs risqués en actions ou en obligations de longue durée, pour se reporter sur des actifs sûrs et liquides. En attendant que l’orage passe.
Donc ce phénomène concerne également nos voisins européens ?
Pas vraiment et certainement pas dans la même magnitude. Car les élections législatives anticipées ne concernent que la France, et l’incertitude qui y est associée est décuplée par les énormes doutes qu’ont les investisseurs au sujet des programmes économiques des deux camps extrêmes qui souhaitent venir au pouvoir.
Vous pouvez démontrer les craintes des investisseurs qui seraient spécifiques à la France ?
Oui, l’indicateur le plus fiable dans le domaine est l’écart de taux entre les obligations d’État français et celles des autres pays de la zone euro. Ces écarts se sont significativement creusés la semaine dernière. Le taux à 10 français est désormais égal à son homologue portugais – alors que le Portugal est noté trois crans en dessous de la France, ce qui est une première historique. L’écart avec l’Allemagne a dépassé les 0,70%, un record depuis 2017. Cela reflète tout simplement l’accroissement substantiel de la méfiance des investisseurs envers la France. Ils craignent que le déficit budgétaire du pays, déjà élevé, ne pourra que se creuser.
Pourquoi cette crainte ? Est-elle justifiée ?
Je ne suis pas un expert politique. Mais les inquiétudes peuvent se comprendre. Le RN tout comme le Front National font du pouvoir d’achat un sujet de débat clé et proposent tous les deux de remettre en cause tout ou partie de la récente réforme des retraites. Par ailleurs, ils veulent tous les deux réduire un certain nombre d’impôts. Enfin, le Front National propose une indexation des salaires sur l’inflation.
Un investisseur peut y voir des mesures inflationnistes et de nature à réduire les recettes de l’État et d'augmenter les dépenses publiques. Bref, rien de bon pour l’économie française et sa capacité d’emprunt.
Vous êtes bien pessimiste. Que nous réservent les semaines à venir ?
Je n’ai pas de boule de cristal et il m’est impossible de prédire l’avenir. Mais je pense que l’environnement de marché restera volatil au moins jusqu’au second tour. Ensuite, ce sera à la charge du futur gouvernement de rassurer les marchés. Car ne vous y trompez pas, la confiance des investisseurs internationaux en la France est indispensable pour faire tourner notre économie. Ce qui a un impact direct sur l’emploi, les salaires, les impôts, … bref sur notre vie de tous les jours. Et la confiance, ça met longtemps à se construire, mais elle peut disparaître du jour au lendemain.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.