L'éco de Marc Tempelman

Les résolutions ESG moins soutenues

Les résolutions ESG moins soutenues

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Je vous propose d’échanger au sujet des résolutions environnementales et sociales sur lesquels les actionnaires des grands groupes ont eu à s’exprimer, à l’occasion des Assemblées Générales.

Pourquoi avez-vous retenu ce sujet ? J’imagine que de plus en plus d’assemblées générales ont eu à voter sur des sujets de ce type.

Oui, les actionnaires sont de plus en plus nombreux à vouloir entendre les dirigeants sur les efforts qu’ils mettent en place dans les domaines de l’équité sociale, ou encore de la transition énergétique. Et je vous rappelle que les fameuses AG sont aussi l’occasion pour les actionnaires de proposer et de voter sur des résolutions, par exemple pour imposer des changements dans la façon dont les dirigeants gèrent la société.

Et je soupçonne que les résolutions visant à imposer des comportements plus écologiquement et socialement responsables se multiplient ?

Oui, leur nombre continue de croître, mais, et c’est peut-être plus surprenant, le soutien pour ces résolutions baisse. Notamment aux États-Unis. Selon le Sustainable Investment Institute, seules 5 résolutions environnementales ou sociales ont été adoptées à la majorité par les actionnaires cette année, contre trente-cinq l’année dernière.

Une autre façon de mesurer ce phénomène est d’analyser les proportions des actionnaires qui votent en faveur des résolutions de ce type, même si elles n’emportent pas la majorité. Et de ce point de vue le constat est le même. Seuls 11% des actionnaires d’Exxon ont soutenu la résolution suggérant que la société adopte des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre en ligne avec les accords de Paris. L’année dernière ils étaient 28%.

Chez Amazon, la résolution proposant d’obtenir plus d’informations sur la pollution causée par les emballages en plastique qu’utilise l’entreprise a reçu moins d’un tiers des votes, contre un peu moins de la moitié en 2022.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette tendance, qui s’est inversée ?

Deux raisons principales. La première est plutôt positive. De nombreuses sociétés ont adopté des mesures pour être plus transparentes sur leur empreinte carbone et l’équité sociale. Il y a donc moins besoin de forcer le changement - chez certains - sur ces sujets.

La seconde est plus technique. Avec l’expérience, les actionnaires engagés se sont mis à rédiger des clauses environnementales de plus en plus précises et restrictives. Et susceptibles de peser lourdement sur la profitabilité de l’entreprise. À tel point que ces résolutions très précises sont - proportionnellement - moins soutenues.

Est-ce que cela veut dire que ces résolutions sont vouées à l’échec ?

Non, je ne crois pas. Il y a des exceptions notables qui méritent d’être soulignées. Un tiers des actionnaires de JP Morgan, Goldman Sachs et de Bank of America ont voté en faveur de la requête aux dirigeants pour détailler leurs plans pour accompagner la transition énergétique. 37% des actionnaires du propriétaire des chaînes KFC et Pizza Hut ont voté en faveur de la clause obligeant la société à calculer et réduire sa pollution plastique.

Le mot de la fin ?

D’un côté, il faut constater que le sujet des résolutions éco-responsables est devenu politique aux États-Unis. De nombreux élus Républicains, dont le gouverneur de l'État de Floride Ron DeSantis, ont introduit des lois qui limitent des actionnaires publics, tels que des fonds de pension pour les fonctionnaires, de s’exprimer sur les résolutions non-financières.

Mais de l’autre, en dehors des US et de l’Europe, le soutien pour les résolutions environnementales et sociales est en forte hausse et atteint 17% cette année, par rapport à à peine 10% l’année dernière.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.