Alors que la nouvelle commission européenne a affiché sa volonté de renforcer la lutte contre la pauvreté, une réalité se dessine dans plusieurs pays du continent : la criminalisation croissante des personnes sans-abri. Un rapport récent, publié par la Fondation pour le logement des défavorisés, anciennement Fondation Abbé Pierre, la FEANTSA et Avocats Sans Frontières, dénonce une tendance inquiétante à traiter la précarité comme un délit.
En Europe, environ 1,2 million de personnes sont sans domicile. Face à l’insuffisance des dispositifs d’hébergement, nombreuses sont celles qui n’ont d’autre choix que de survivre dans l’espace public. Parallèlement à cette problématique, certains États multiplient les mesures répressives à leur encontre.
Le rapport met en lumière des exemples alarmants de cette criminalisation. En Hongrie, une loi de 2018 interdit explicitement aux sans-abri de résider dans l’espace public, sous peine d’amendes voire d’emprisonnement. En Belgique, plus de 250 communes ont adopté des règlements rendant la mendicité passible de sanctions financières. En France, certaines municipalités interdisent aux sans-abri de s’asseoir ou de dormir sur la voie publique, tandis que le code des transports interdit la mendicité dans les gares et les trains.
Au Danemark, dormir dans un campement de fortune est considéré comme un trouble à l’ordre public, et la mendicité dite « d’intimidation » peut mener à une peine de prison. Autant de mesures qui, sous couvert de préserver la tranquillité urbaine, aggravent la précarité des plus vulnérables.
Les lois répressives touchent de manière disproportionnée les personnes racisées et migrantes. À Bruxelles, les évacuations policières ciblent en priorité les exilés, alors que l’État belge a été plusieurs fois condamné pour son incapacité à fournir un hébergement décent aux demandeurs d’asile. En Hongrie, les Roms sont surreprésentés parmi les personnes sanctionnées pour mendicité ou occupation de l’espace public.
Au-delà des lois, certains discours politiques nourrissent la stigmatisation des sans-abri. En France, la loi anti-squat adoptée en 2023 repose sur des caricatures de personnes présentées comme des « canailles » usurpant les logements des honnêtes citoyens. En Belgique, des figures politiques de droite assimilent la mendicité à une nuisance, justifiant ainsi les mesures répressives.
Face à ces pratiques, la Fondation pour le logement des défavorisés et ses partenaires appellent à un changement de cap.
On en parle avec Sarah Coupechoux, responsable des questions européennes à la Fondation pour le logement des défavorisés.
Un entretien mené par Lolla Sauty-Hoyer.