Épisode 8 de notre rendez-vous Les épidémies dans l’histoire, en partenariat avec le Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) des Universités de Nantes et La Rochelle.
Comme chaque semaine, nous remontons le temps sur la piste des épidémies qui ont marqué l’histoire. Aujourd’hui direction Rio ! Nous allons parler de la révolte contre la vaccine obligatoire qui s’est déroulée là-bas en 1904. Et c’est Laurent Vidal, historien, professeur à l’université de La Rochelle qui est présent pour en parler avec nous. Bonjour Laurent, merci d’être avec nous.
Rio, 1904, révolte contre la vaccine obligatoire. De quoi s’agit-il ?
Rio est la capitale du Brésil et elle a connu dans les années qui précèdent, de très grands bouleversements : la population a doublé, le site est géographiquement compliqué et propice aux épidémies. Rio, depuis le début de son histoire est un véritable lit épidémique. En 1904, est au pouvoir un président de la République qui a décidé de moderniser la ville de Rio et d’éliminer toute trace d’épidémie dans cette capitale. Cela signifie donc destruction des habitations “taudis”, des quartiers populaires. Beaucoup de gens sont expulsés et tentent de se reloger, notamment sur les mornes – c’est le début des “favelas”. C’est dans ce contexte tendu que le gouvernement met en place une campagne pour la vaccine obligatoire contre la variole. Cette lutte contre la variole s’appuie sur un principe particulier : le principe “générien”. Autrement dit, le vaccin est conçu à partir de souche de variole. Le jeune médecin de 32 ans qui est à la tête du département de la santé à Rio a fait ses études à Paris à l’institut Pasteur, c’est donc quelqu’un qui est pétri de cette vision pasteurienne où le vaccin va sauver la société, ce que l’on peut comprendre aujourd’hui. Mais dans une société comme celle de Rio, où le peuple vient d’être violenté par les expulsions, où le racisme s’est installé, cette vaccination obligatoire, inoculée de force par des infirmiers accompagnés de policiers ou de militaires ne va pas être tolérée. A la mi-novembre 1704, une révolte explose.
Alors justement en quoi consiste cette révolte ?
Cette révolte n’est pas pensée, c’est une sorte de cri populaire pour dire “stop”. Elle naît dans les quartiers populaires, dans les favelas, et notamment au Morne de la Santé. Ce morne sera rebaptisé Port-Arthur, en référence au port où le “petit Japon” a gagné contre la “grande Russie” en 1904. C’est un peu David contre Goliath qui se joue dans les favelas. Les gens n’ont rien pour se battre, ils prennent donc tout ce qui leur tombe sous la main, les objets du quotidien. Ils vont évidemment faire face à une réponse armée. Il y aura des morts.
Quelles vont être les conséquences politiques de cette révolte ?
Le Brésil, depuis un peu plus d’une décennie venait de basculer de la Monarchie à la République. Certains monarchistes ont donc essayé de profiter de l’épidémie et de la révolte pour tenter une remise en place de la monarchie. Mais cette option monarchiste a rapidement été liquidée. Parallèlement, il y a eu beaucoup d’arrestations, de déportations, de morts. Et puis bien sûr, cette révolte témoigne d’une certaine idéologie du “blanchiment” de la race. On associe à cette époque-là, au métissage et à la présence de noirs dans les quartiers populaires, l’idée du retard du Brésil sur le reste des pays modernes. La lutte entre archaïsme et modernité c’est une lutte raciale selon les gouvernements de l’époque. C’est une conséquence politique importante.
Pour plus d’informations sur le sujet, rendez-vous sur la chaîne YouTube du Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique.
Découvrez également l’émission Les Voies de l’Histoire, une coproduction euradio – CRHIA.