À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit c’est le droit à la sûreté, pour tous, on en a déjà parlé plusieurs fois ensemble. Mais est-ce qu’on peut dire que le cas de l’île de Lampedusa, en Italie, et ses difficultés face aux drames humains, l’insalubrité et la sûreté est un cas malheureux et isolé?
Pas du tout Laurent! Une autre théâtre pour la tragédie migratoire se trouve sur l’archipel espagnole des Canaries, au large du continent africain, dans l’Océan Atlantique.
Oui c’est l’Espagne avec un chef du gouvernement, P Sanchez plutôt discret.
En effet, la situation est dramatique en Espagne et en Italie. La différence c’est qu’en Italie Giorgia Meloni a été supposément élue pour mettre fin à cette situation.
La dissonance entre valeurs démocratiques, droit maritime et tensions liées à l'accueil des migrants n’est donc ni de droite, ni de gauche, ni spécifique à un pays.
Exactement. Le point commun avec ce que l’on a pu voir précédemment, c’est la logistique spécifique de l’accueil sur une île. Les Canaries sont plus éloignées, on ne s’en rend peut être pas compte mais il faut imaginer que la nuit du vendredi 20 octobre 2023, près de 1.427 personnes ont débarqué dans l'archipel.
Par l’Océan Atlantique donc.
Oui, sur une simple pirogue en bois 321 personnes ont débarqué sur l’île El Hierro, la plus petite de l’archipel, avec la mer à flanc de montagne. Donc sans plage.
Et j’imagine que les populations locales n’ont pas toujours de quoi soigner, et s’occuper de ces survivants.
Exactement! Quand on connaît la région, cela paraît improbable un tel voyage. Cela peut s’expliquer par le durcissement des contrôles en Méditerranée. On ne peut pas stopper la migration, tout flux stoppé contourne autrement. Et là, il faut bien avouer que cela fait froid dans le dos.
Donc l’Etat espagnol fait face aux mêmes difficultés que l’italien, concrètement.
Oui sur la question des îles - ne rentrons pas dans un concours malsain de ‘pour qui c’est pire’ – l'archipel des Canaries a vu une augmentation de 80% des arrivées par rapport à 2022. Un tout petit espace – sans plage dans certains cas - avec des gens blessés, traumatisés, affamés, morts de froid. C’est compliqué à gérer pour n’importe qui.
Et les centres d’accueil saturés n’arrangent rien.
Eh oui! Qui pour garantir la sécurité dans les centres d’accueil? Seule la police/gendarmerie le peut et les effectifs sont pensés pour une toute petit île. Imaginez ensuite la relocalisation de ses gens.
C’est un drame mais l’Etat d’arrivée n’est pas responsable.
A priori, non, il n’y a pas de violation de l’Etat de droit en tant que tel même si le droit à la sûreté est en danger. Les autres États de l’UE qui ne sont pas d’arrivée ont une responsabilité. Et ceux qui sont opposés à toute relocalisation, sont à mon avis, les premiers responsables de la situation cauchemardesque des îles.