Elise Bernard, Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit.
L’État de droit c’est assurer la protection des citoyen·nes européen·nes mais est-ce que cela signifie que tout nouvel outil de surveillance policier doit aller en ce sens ?
Alors comme souvent, oui et non.
Quand le gouvernement français légalise la vidéosurveillance algorithmique, à l’occasion des Jeux Olympiques par exemple.
Alors du côté législateur, on avance des essais passés qui ont été considérés comme concluants. Dans plusieurs villes test, en particulier en situation de mouvement de foule et dépôt de déchets sauvages, les résultats de cette technologie ont été présentés comme concluants. Les conclusions indiquent que l'algorithme de vidéosurveillance permet de détecter en temps réel des phénomènes de délinquance que l’œil humain ne verrait que trop tard.
D’accord, mais en quoi cela protège les citoyen·nes, on a plutôt l’impression qu’on nous surveille.
Oui, c’est vrai que des ONG dénoncent des stratégies du gouvernement pour éviter tout débat sur les conséquences politiques et juridiques de ces outils en termes de surveillance de masse. Dans l’esprit général, c’est une impression de se rapprocher des dystopies totalitaires qu’on lit dans la science-fiction.
Oui, cela peut être angoissant de se savoir surveillé, surtout si on se montre opposé à un projet de loi.
Absolument et c’est très compréhensible. Honnêtement, j’ai du mal à imaginer un·e individu·e violent·e, motivé·e par le chaos et pas l’objet de la manif, qui se sentirait découragé·e par le fait de se savoir filmé et repéré par un algorithme.
Mais cette vidéosurveillance n’assure en rien la sécurité alors !
En termes de prévention, en effet, là je ne vois pas. C’est en matière de répression que c’est un outil qui peut s’avérer utile. Au regard de ce que l’on sait aujourd’hui.
Ah oui, la prévention en matière de sécurité d’un mouvement de foule, c’est la déclaration du tracé du cortège qui la permet par exemple.
Exactement. La vidéosurveillance algorithmique apporte de nouvelles perspectives en matière de répression à la délinquance. L’outil doit pouvoir mieux distinguer les délinquant·es, et renforcer les preuves au procès, au moment de les sanctionner.
Ce que je regrette dans tout cela, c’est que la distinction entre répression et prévention s'est durablement installée dans le débat public sur la sécurité, mais il semblerait que la prévention ne dispose pas des mêmes faveurs.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.