Grave, inqualifiable et même gravissime, c’est une chose à ne pas laisser passer. Lorsque les dirigeants polonais font arrêter par un Tribunal constitutionnel à leurs ordres que le droit national prime le droit européen, ils violent des Traités que leur pays a volontairement signés et ébranlent ainsi toutes les institutions communes aux 27 Etats de l’Union.
Pour la simple raison que ce n’est pas acceptable, la Commission doit mettre en marche les sanctions financières qui sont à sa disposition et rappeler par-là que l’Union n’est pas un étal sur lequel on prendrait ce qui vous convient (les subventions) en laissant ce dont on ne veut plus (le respect de l’Etat de droit).
La Commission aura le plein soutien du Parlement mais cet arrêt polonais annonce-t-il pour autant un Polexit qui préfigurerait lui-même d’autres départs de l’Union ?
La réponse est « non », catégoriquement « non » car 80% des Polonais sont attachés à l’unité européenne. Ils n’entendent pas y renoncer. On l’a bien vu à l’ampleur des manifestations de dimanche sur lesquelles flottait une mer de drapeaux européens et l’on est donc très loin de la situation britannique où la question européenne avait coupé en deux un royaume désuni. Non seulement il ne se passera rien de tel à Varsovie mais aucun autre des Etats membres n’est tenté par la voie britannique dont les séductions ne cessent, d’ailleurs, de s’amenuiser.
Le délitement de l’Union n’est pas à l’ordre du jour. En se ralliant aux idées de Défense commune et d’autonomie stratégique, l’Union européenne entre au contraire dans le troisième moment de son Histoire, la tentative de construction d’une union politique, mais alors quoi ?
De quoi l’arrêt polonais est-il le signe ?
Ce raidissement traduit avant tout l’inquiétude de conservateurs réactionnaires droit sortis du XIX° siècle et aujourd’hui totalement dépassés par un pays extrêmement jeune qui rompt avec un épiscopat préconciliaire, tourne le dos aux convenances d’hier au profit du féminisme et de la révolution des mœurs et vit comme à Paris, Berlin ou Amsterdam, vélo, écologie et rejet des corruptions ecclésiales. Pris entre une jeunesse si tellement européenne et la condamnation par l’Union de l’inféodation de la magistrature au pouvoir politique, le Parti Droit et Justice, le PiS, et son grand prêtre, Jaroslaw Kaczynski, ne savent plus où donner de la tête. Non sans raison, ils craignent de perdre les élections de 2023 et tentent donc de remobiliser leur électorat en montrant leurs muscles mais sans aller jusqu’à une rupture.
La suite de l'humeur européenne de Bernard Guetta est à lire ici.
👇 Toutes les émissions de Bernard guetta sont à écouter ici 👇
Toutes les humeurs européennes de Bernard Guetta sont à retrouver juste ici