C’est un week-end que l’Histoire pourrait retenir. Un historien novateur pourrait, un jour, décider de dater de ce premier week-end d’octobre 2020 le moment où l’Europe s’est éveillée alors que les Etats-Unis entamaient leur déclin car enfin, pourrait-il faire valoir…
Confrontée à une stupéfiante addition de défis géopolitiques, l’Union européenne a su, ces jours-là, resserrer ses rangs sur les questions turque et bélarusse. Elle y est parvenue alors même qu’afin d’obliger ses 26 partenaires à la défendre contre la Turquie qui forait aux larges de ses côtes, la petite Chypre venait d’opposer son veto aux sanctions que l’Union comptait prendre contre les dirigeants bélarusses.
L’Union en avait été ridiculisée.
Comme tant d’autres fois un tombereau d’articles avaient brocardé son impuissance quand ils ne l’enterreraient pas déjà mais les Etats membres avaient finalement su lever le veto de Chypre en s’engageant à envisager, sous trois mois, des sanctions contre Ankara si le président turc continuait à partout jeter de l’huile sur le feu. L’Union avait donc pu sanctionner les responsables bélarusses coupables de brutalement réprimer leur peuple après avoir truqué une élection. L’Union avait, du même coup, rapproché la France et l’Allemagne qui avaient publiquement divergé – contacts diplomatiques ou gesticulations militaires – sur la manière de traiter avec Recep Erdogan. Non seulement l’Union avait enfin su s’exprimer d’une seule voix sur ses deux plus brûlants dossiers de politique étrangère mais elle avait, par là-même, donné à voir à quel point sa volonté de souveraineté commune ne cessait de s’affirmer.
Depuis l’élection de Donald Trump, les tabous sur les idées de Défense européenne et de politique industrielle étaient tombés à Bruxelles car les faits étaient que le parapluie américain était percé et que les Etats-Unis faisaient de l’Union européenne un concurrent économique aussi hostile que la Chine. Nécessité faisant loi, l’Union avait connu, depuis 2016, une rupture épistémologique. La pandémie avait précipité ce tournant en imposant les emprunts et le plan de relance communs et voilà maintenant que s’esquissait une diplomatie commune.
La suite de l'humeur européenne de Bernard Guetta est à lire ici