Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous n’êtes pas content des institutions européennes, qui veulent imposer à brève échéance les véhicules électriques
La voiture tout-électrique se présente comme la formule magique, qui effacerait la pollution atmosphérique locale provoquée par les gaz d’échappement des véhicules, mus par des moteurs à explosion alimentés aux hydrocarbures, essence ou diesel.
Évitons cependant le débat, sans fin ni conclusion, sur la pollution engendrée par le processus de fabrication et de recyclage des voitures électriques, puisque ces considérations s’appliquent en fait à toute fabrication industrielle.
Pourquoi aborder ce sujet aujourd’hui ?
C’est qu’il devient évident que les dirigeants européens se sont engouffrés sans trop réfléchir (ou se renseigner) dans un éventail de contraintes réglementaires et de dates-butoir, destinées à interdire l’utilisation des véhicules de tourisme et des utilitaires légers à motorisation thermique, et de favoriser le tout-électrique.
Mais voilà : le réalisme technique s’inscrit en faux par rapport à cette tendance. La multiplication des bornes de recharge ne s’organise pas simplement en remplaçant une pompe à essence (où l’on passe tout au plus dix minutes à faire le plein) par une borne de charge (où il faut attendre au minimum une demi-heure avant de pouvoir redémarrer).
En Europe, l’immense majorité de la population vit dans des immeubles à appartements et ne peut espérer recharger une voiture électrique que sur la voie publique – ce qui supposerait d’installer des milliers de bornes dans les rues et autour des cités, sans garantie aucune que cela suffise à la demande. Et l’on s’aperçoit que les copropriétés rechignent à autoriser l’installation de bornes dans les garages souterrains, par crainte du risque d’incendie, comme autrefois pour ce qui est des voitures roulant au gaz de pétrole liquéfié, le GPL.
Il y a également le problème lié à l’autonomie des véhicules électriques, non ?...
En effet. Et, on le découvre maintenant, les chiffres avancés par les constructeurs sont outrancièrement gonflés par rapport à la réalité. Des essais menés par nos confrères du magazine britannique What Car ? démontrent que les estimations ‘officielles’ dépassent de jusqu’à 38 % l’autonomie constatée sur une demi-douzaine de véhicules de taille différente, tournant sur circuit fermé jusqu’à épuisement total des batteries de traction.
Cela rappelle quelque chose…
Oui, vous avez raison : cela remet en mémoire le scandale des logiciels trafiqués d’origine chez VOLKSWAGEN, qui exagéraient le kilométrage parcouru sur route par rapport à celui – réel, celui-là – qu’affichaient les bancs de contrôle en atelier.
La conclusion de simple bon sens, c’est que les véhicules électriques sont parfaitement adaptés à une utilisation en milieu urbain, mais ne peuvent en aucun cas (et pour l’avenir prévisible) se substituer à des voitures à moteur thermique pour des parcours quotidiens de plus de 300 kilomètres.
Est-ce que le coût intervient également dans l’équation ?...
Absolument. En attendant que les constructeurs vous proposent l’électrique au prix du thermique (comme naguère le diesel au prix de l’essence), la version électrique d’un véhicule revient à l’achat bien plus cher que la version thermique.
Mais – surtout – la recharge ailleurs que chez soi est tout, sauf gratuite. Pour un déplacement donné, les bornes de base ont un coût plus élevé que le carburant liquide ; et quant aux bornes réputées rapides de chez TESLA, une recharge totale peut atteindre le double du tarif d’un plein de gazole.
A vouloir suivre une mode, inspirée par une demande environnementalement correcte, mais en grande partie d’origine purement commerciale, les dirigeants européens courent le risque de perdre de vue quelques réalités macro-économiques.
Lesquelles, QD ?...
Il y a la porte de l’Union européenne grande ouverte aux véhicules électriques venue de Chine, au grand dam des constructeurs européens, souvent contraints d’ailleurs d’aller fabriquer leurs voitures…en Chine.
L’Union européenne tient insuffisamment compte des subventions massives du gouvernement chinois – et nous rejoue le fiasco des panneaux photovoltaïques chinois il y a une dizaine d’années.
Il y a aussi le sort, aujourd’hui flou, des poids-lourds, dont les gaz d’échappement diesel ont une empreinte bien plus lourde que les voitures de tourisme.
On n’oubliera pas non plus la volonté inexplicable de sacrifier l’avenir des véhicules hybrides essence-électriques, et d’occulter le développement des moteurs à hydrogène, qui équipent déjà nombre de voitures asiatiques ou américaines.
Enfin, entre 2030 et 2040, qu’adviendra-t-il des millions de véhicules à moteur thermique encore jeunes, bannis de nos villes et routes ? A coup sûr, exportés en masse, ils iront polluer l’air en Afrique et dans les pays pauvres d’Asie. Mais l’Europe, elle, sera sauvée. Le reste ne nous regarde pas.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.