Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous vous penchez sur le sort des vaches, en commençant par le contenu de votre assiette, c’est bien cela ?...
Depuis une bonne trentaine d’années, des esprits éclairés nous ont mis en garde contre la consommation de viande bovine ; celle-ci s’exercerait au détriment de notre santé et menacerait les écosystèmes locaux ainsi que la survie de l’espèce humaine sur terre. Étaient également mises en cause les méthodes d’élevage et d’engraissage, de transport et d’abattage dépourvues de respect pour le bien-être animal.
N’étant ni nutritionniste ni ingénieur agronome, je me garderai bien de consacrer cet Édito’ aux aspects relevant de leurs zones de compétences ; en revanche, je dois trahir ma perplexité quant à l’effet collectif de l’expulsion des gaz intestinaux des ruminants, que l’on peut appeler, sauf votre respect, le pet de la vache.
Qu’est-ce qui ne vous paraît pas clair, alors ?...
Commençons par ce qui justement paraît clair : incontestablement, le méthane généré par les bovins est nocif pour la couche d’ozone qui entoure et protège notre planète du rayonnement solaire ultraviolet. Mais ce qui est sujet à caution, dans la mise en danger de la couche d’ozone, c’est la part de responsabilité propre des vaches.
Alors, pour ce qui mérite d’y regarder de plus près, ce sont, comme d’habitude, nos amies les statistiques, ou, plus exactement, la base des statistiques.
D’abord, l’évaluation du cheptel mondial dépend de méthodes et de niveaux de fiabilité qui varient considérablement d’un pays, voire d’une région, l’autre. Elle est sujette à des variations saisonnières, à des épizooties, à des correctifs d’opportunité politique. Donc, à un instant déterminé, personne ne sait combien de vaches paissent simultanément sur notre planète. On ajoutera que la quantité de méthane expulsé varie selon les espèces de bovins, le régime alimentaire, et le climat.
En quoi est-ce significatif, QD ?...
Tout simplement parce que la taille du cheptel mondial conditionne toutes les statistiques qui en dérivent. On peut cependant aborder la question, non par le début, c’est-à-dire l’élevage, mais par la fin, c’est-à-dire la quantité de viande bovine proposée au marché et dans les échanges commerciaux internationaux ; ici, on ne s’aventurera pas non plus à tenter de reconstituer des tonnages précis, mais on peut constater une nette tendance depuis le début du siècle : c’est celle, dans un marché des viandes carnées en expansion, d’une réduction de la part de la viande de bœuf, qu’on peut estimer à la louche à 20 %.
On ne peut vraiment pas calculer le nombre de bovins sur Terre ?...
Dans des cas particuliers, oui ; dans l’Union européenne, par exemple, les aides de la Politique agricole commune permettent d’en fixer le nombre à environ 78 millions de têtes.
Mais en Inde, l’estimation oscille entre 200 et 300 millions – on appréciera la précision.
N’existe-t-il aucun moyen de réduire la flatulence des vaches ?...
Si fait. On peut la réduire statistiquement, en la contrebalançant par une augmentation de la surface des prairies consacrées à l’élevage, car les pâturages constituent de très efficaces pièges à carbone. Mais ceci n’intéresse que l’élevage de qualité en Europe, et non les méga-usines d’engraissement aux États-Unis.
Mais on peut aussi la réduire scientifiquement, en agissant sur le contenu de l’alimentation du bétail. Des expériences sont en cours, notamment au Royaume-Uni, à l’aide d’extraits de jonquille, expériences qui paraissent encourageantes. Mais lesdites jonquilles doivent être cultivées à au moins 500 mètres d’altitude, et leur floraison ne dure que deux mois par an, au printemps. Pour que ce procédé puisse être utile toute l’année et partout, il faudrait installer des kilomètres carrés de serres, qui, elles-mêmes, généreraient une autre forme de pollution atmosphérique. Mais l’enjeu vaut que l’on poursuive les recherches.
Un mot peut-être sur la couche d’ozone ?...
On croit trop souvent que celle-ci est inerte, et qu’un trou s’y est formé de par les activités humaines depuis la Révolution industrielle du début du XIXe siècle. Or, rien n’est moins vrai : d’abord, il y a plusieurs ‘trous’, en réalité des réductions de 50 à 80 % de l’épaisseur de la couche protectrice, selon un cycle annuel du printemps à l’automne.
En raison de l’interdiction des gaz industriels les plus agressifs pour l’ozone, on constate depuis plus de vingt ans une lente reconstitution de la couche, au rythme de 1 à 3 % par décennie. Au cours des années 2030, l’hémisphère nord aura retrouvé ses valeurs d’avant 1980, l’hémisphère sud et les pôles, respectivement vingt et trente ans après.
Et le pet des vaches aura toujours bon dos.