L'édito européen de Quentin Dickinson

La Planète Électricité

@NASA sur Unsplash La Planète Électricité
@NASA sur Unsplash

Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.

Cette semaine, QD, vous pensez avoir découvert un casse-tête énergétique inattendu, mais lourd de conséquences, c’est cela ?...

La course à la décarbonation de la planète est bel et bien lancée, et, pour beaucoup, la martingale salvatrice s’appelle l’électricité. On évoque bien sûr l’énergie éolienne et les panneaux solaires, les centrales utilisant la force hydraulique ainsi que celle des marées et des courants maritimes, voire le nucléaire – mais toutes ces méthodes n’ont qu’un seul objectif : produire de l’électricité.

Donc, tout va bien ?...

Pas tout à fait. Car un trouble-fête vient s’introduire dans le jeu énergétique mondial. Ce trublion s’appelle l’intelligence artificielle, l’IA. Et l’IA générative, comme CHAT-GPT, est monstrueusement consommatrice d’électricité. Ainsi, un centre de traitement des données numériques en IA a des besoins quatre fois supérieurs à ceux d’un centre de traitement non-IA, cela pour son seul fonctionnement, et sans tenir compte des indispensables installations de refroidissement permanent, elles aussi énergivores.

L’Agence internationale de l’Énergie, basée à PARIS, prévoit qu’en 2026, l’ensemble des mégaserveurs en service dans le monde auront besoin du double de leur consommation électrique de 2022.

Pour parler clair : la simple recherche que vous ferez par CHAT-GPT (ou autres fournisseurs d’IA) nécessitera dix fois plus d’électricité que si vous interrogiez GOOGLE.

Comment expliquer l’appétit démesuré de l’IA ?

Pour faire court : d’abord parce que la demande mondiale d’IA explose, et, plus fondamentalement, parce que les puces informatiques indispensables à l’IA générative, les GPU, sont terriblement gourmands en électricité.

Si rien ne vient endiguer la demande, à la fin de cette décennie, les centres de traitement informatique des données seront passés des 4 % actuels de la consommation d’électricité des pays développés à plus de 25 %.

Ce qui engendre un problème majeur.

Un problème majeur, dites-vous ; à quoi pensez-vous ?...

Tout simplement à la concurrence effrénée de l’IA avec les autres utilisateurs d’électricité, dont le nombre va croissant, décarbonation oblige. Il y a le parc des véhicules électriques, bien sûr, mais aussi les processus industriels électrifiés, le dessalement de l’eau de mer, et les équipements électroménagers.

Ainsi la lutte contre le dérèglement climatique se retrouve-t-elle à s’affronter frontalement au développement de l’intelligence artificielle. On peut prévoir une lutte au couteau de tous les instants.

Il doit bien y avoir des solutions, tout-de-même ?...

Certainement. Les recherches se poursuivent dans les laboratoires du monde entier afin de mettre au point des puces moins amatrices de courant électrique et, si possible, dégageant moins de chaleur.

Pour ceux qui trouveront en premier, sans doute aux États-Unis, en Europe, en Corée du Sud, au Japon, ou à Taïwan, la prime sera colossale. Mais on n’y est pas encore tout-à-fait.

De même, les interconnexions des réseaux de transport d’électricité à très haute tension, souvent lacunaires et peu ou mal entretenus, devront être consolidées et complétées.

Enfin, un glissement progressif des poids-lourds, camions, autobus, et autocars vers la motorisation par pile à hydrogène – qui peut également servir dans les chemins de fer sur les lignes non-électrifiées – délestera considérablement les postes de recharge routiers des véhicules électriques plus légers. Mais rappelons que l’hydrogène dite propre est elle-même produite par un processus industriel… consommateur d’électricité.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.