Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, on pouvait s’attendre de votre part, QD, que vous nous proposeriez une évaluation des résultats des élections européennes…
…oui, mais – au risque de vous décevoir – ce ne sera pas, ou pas encore, le cas, car il faudra attendre encore quelque temps que la poussière soit retombée et qu’on puisse valablement établir quelques constats et se risquer à l’une ou l’autre prévision.
Mais alors, de quoi allez-vous nous entretenir, QD ?...
En France comme ailleurs, à l’occasion d’un scrutin, il est toujours intéressant de s’interroger sur ce qu’il révèle des rapports entre les citoyens-électeurs (ou abstentionnistes) et leur classe politique, voire leur système électoral.
Et c’est précisément ce que vient de faire un rapport universitaire publié hier et rédigé par trois spécialistes de l’évolution des opinions.
Et que constatent-ils ?...
C’est à la fois assez consternant et pas vraiment inattendu. Simplement dit, la confiance que les électeurs accordent à leurs élus ainsi que la perception qu’ils ont de l’efficacité de leurs institutions sont à leur plus bas historique.
Un exemple : 45 % des sondés estiment que les membres du gouvernement mettent leurs intérêts personnels et ceux de leur parti avant ceux du pays.
Autre illustration : six citoyens sur dix sont d’avis que les politiciens leur mentent effrontément chaque fois qu’ils doivent se tirer d’une situation difficile.
Enfin, la moitié exactement remet en question l’ensemble du système électoral.
C’est en effet préoccupant, pour dire le moins – mais quelles sont les raisons de cette désaffection ?…
Selon le rapport, ce sont les lames de fond de ces cinq dernières années, de la pandémie de COVID-19 à la guerre en Ukraine et à Gaza, qui y sont pour beaucoup. Dans toute l’Europe, nos responsables politiques ont paru pris de court, désarçonnés qu’ils sont par une succession d’événements objectivement imprévisibles dans leur gravité et dans leur durée.
L’impression – souvent fondée, d’ailleurs – domine, selon laquelle les dirigeants du pays bricolent dans l’urgence des solutions bancales. Et cette critique de la méthode aboutit fatalement à un déchaînement de haine à l’encontre des ministres régaliens comme des maires de modestes communes rurales.
Et les abcès de fixation se concentrent sur des cibles faciles, telles la santé publique, l’immigration, l’insécurité. S’y rajoutent le coût de la vie et les scandales politico-financiers.
Faut-il en conclure que c’est la démocratie elle-même qui est malade ?...
En tout cas, ce système de gouvernement, qualifié par CHURCHILL de ‘plus mauvais du monde, sauf à ne pas tenir compte de tous les autres’, n’est plus l’idéal de société juste et vertueuse vers lequel tous les peuples du monde voudraient tendre.
Le rapport souligne aussi le rôle anxiogène des réseaux sociaux ; ceux-ci nourrissent le cloisonnement des certitudes en une infinité de grappes humaines, incapables d’écoute et de dialogue, hostiles à toute opinion autre que celles véhiculées par leur propre cénacle.
On ajoutera que cet émiettement constitue un terrain particulièrement favorable à la dissémination de fausses informations et de désinformation, dont l’origine est aisément identifiable dans les activités de sape de régimes autoritaires, pour qui la démocratie participative ne doit surtout pas paraître désirable aux yeux de leurs propres populations.
Mais le rapport ne propose aucun correctif, aucune solution ?...
Non, mais ce n’était pas son objectif.
Alors, nos auditeurs sont sans doute nombreux à avoir reconnu la France dans la description de ce désenchantement collectif – eh bien, non, voyez-vous, le rapport porte exclusivement sur le Royaume-Uni.
Mais l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’applique tout autant à l’ensemble des pays de l’Europe occidentale.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron