Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
On le sait, la réélection de Donald TRUMP inquiète au plus haut point les dirigeants politiques et militaires des pays de l’Union européenne, conscients que ce sont les principes-mêmes de l’Alliance atlantique qui sont en train de s’évaporer…
La demande ne date pas d’hier : du temps de la Guerre froide, WASHINGTON priait régulièrement ses alliés européens et canadien au sein de l’OTAN de bien vouloir contribuer davantage à l’effort collectif de défense et de dissuasion vis-à-vis de l’Union soviétique.
Mais l’effondrement de celle-ci, en 1991, aura au contraire servi de prétexte aux Européens pour alléger considérablement leurs dispositifs et leurs dépenses militaires, et les Américains, étant dans le même état d’esprit, n’auront guère protesté.
Il y a tout-de-même eu une sérieuse alerte en 2014…
Vous avez raison. Il y avait eu, de temps à autre, des interrogations quant aux intentions réelles de Vladimir POUTINE, compte tenu du réarmement considérable en cours en Russie, mais l’invasion, suivie de l’annexion, de la Crimée cette année-là, aura déchiré le voile et provoqué un début de remise en question de la perception du risque et des orientations stratégiques de l’Alliance atlantique.
Et, très logiquement, en cette même année 2014, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN fixaient officiellement à 2 % du produit national brut de chacun de ceux-ci le montant à consacrer à la défense.
« Officiellement », dites-vous – est-ce à dire que les Européens s’y sont conformés en traînant des pieds ?...
C’est le moins qu’on puisse en dire. Au jour d’aujourd’hui, seuls vingt-trois des trente-deux pays-membres de l’OTAN atteignent ces 2 %. Mais voilà que déboule le très transactionnel Donald TRUMP, Saison 2, qui exige que désormais, les Européens portent à 5 % leurs contributions à l’OTAN. « Fini la resquille », voilà ce que répète à volonté le Président actuel des États-Unis.
Et les Européens rentrent-ils sagement dans les rangs ?...
Bien sûr que non. Cette exigence étatsunienne suppose un effort financier énorme, à un moment où à peu près tous les pays d’Europe sont confrontés à des difficultés budgétaires. Et il est difficile pour un responsable politique d’annoncer qu’on va tailler dans les retraites et les hôpitaux pour acheter des canons.
La tâche est dure, mais il faut tenter de comprendre Donald TRUMP, ou, du moins, d’envisager le monde selon MAGA.
Que voulez-vous dire ?...
Depuis cent-cinquante ans, les présidents américains successifs partaient du principe que la paix en Europe servait leurs intérêts commerciaux, et que, pour cette raison, il fallait intervenir pour la rétablir, le cas échéant, ce qu’ils ont fini par faire en 1917 et en 1942.
Après 1945, les États-Unis se sont retrouvés dans le rôle – très controversé au sein d’une partie de l’opinion publique américaine – de Gendarme du monde :
c’est que leurs interventions militaires ne s’étaient pas limitées aux théâtres d’opérations européens contre l’Allemagne, mais aussi en Extrême-Orient contre le Japon.
Tant qu’a duré ce sentiment à WASHINGTON que les États-Unis avaient une responsabilité morale de défendre en tout lieu les valeurs de liberté et de démocratie, le partage inégal des dépenses de l’OTAN pouvait passer par pertes et profits. Mais, à la Maison-Blanche, ce sentiment n’est plus d’actualité.
Par quoi est-il remplacé ?...
Par la notion que le monde est désormais multipolaire et donné en partage aux seules vraies grandes puissances que sont les États-Unis, la Chine, et la Russie, qui s’autorisent à faire ce que bon leur semble sans demander la permission à quiconque.
Et l’Europe, dans ce nouveau Meilleur des mondes ?...
L’Europe est-elle menacée par la Russie ? Eh bien, dit M. TRUMP, si les pays européens veulent le soutien militaire des États-Unis, qu’ils paient davantage – à la condition évidemment que cela serve à acheter des armes américaines.
Autant dire que la garantie de l’intervention automatique, prévue à l’Article 5 du Traité de WASHINGTON, que tout pays de l’OTAN vole au secours de l’un de ses alliés, attaqué par la Russie, n’a plus aucune réalité. Les trois Baltes et la Finlande, historiquement parties de l’Empire russe jusqu’en 1918 et 1917 respectivement, ne le savent que trop.
Alors, dans ce scénario désolant, que peuvent espérer faire les Européens pour leur propre sécurité ?...
Nous ne sommes pas totalement sans atouts dans cette nouvelle jungle mondiale. Je vous en dirai davantage dans un prochain Édito’.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.