Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Comme tous les cinq ans, Quentin Dickinson, vous avez passé la semaine dernière à STRASBOURG pour suivre les dernières heures de travail du Parlement européen avant les élections qui se tiendront, selon les pays, du 6 au 9 juin, et le moins qu’on puisse dire, c’est que les élus n’ont pas chômé…
Tous les cinq ans, l’ultime session plénière du Parlement européen est avant tout une usine fébrile, tournant à plein rendement pour adopter le plus grand nombre de textes avant que le rideau tombe sur la législature.
Et celle-ci, la IXe depuis l’instauration de l’élection au suffrage universel direct en 1979, n’a pas fait exception : en quatre jours, les eurodéputés auront examiné précisément cinquante-huit sujets des plus variés – jugez-en : le renforcement du droit des consommateurs à la réparation de leurs achats, en particulier dans l’électroménager ; l’encouragement des produits et des emballages durables et recyclables ; la lutte contre le blanchiment des capitaux ; un meilleur soutien financier aux agriculteurs ; l’actualisation des grands travaux du réseau transeuropéen de transport, avec une priorité donnée au transport de marchandises par chemin de fer ou par voies navigables intérieures – et ce n’est là qu’une modeste sélection de dispositions techniques, alors que le Parlement européen a également eu à se pencher sur des questions d’actualité, dont l’arrestation de l’attaché parlementaire d’un élu allemand d’extrême-droite qui s’est avéré être un espion à la solde de la Chine.
Plus généralement, les multiples tentatives d’ingérence dans la campagne des élections européennes, principalement d’origine russe, ont été vivement débattues.
Mais en dépit de cette activité frénétique, on imagine que l’émotion n’était pas totalement absente de l’hémicycle la semaine dernière ?...
Les eurodéputés auront connu une succession d’épreuves aussi éprouvantes qu’imprévues : d’abord, la pandémie de COVID-19, dont le confinement a obligé le Parlement à télétravailler – un parlement qui ne se réunit pas physiquement, c’était une nouveauté dont ils se seraient volontiers passés. Ensuite, la guerre en Ukraine, qui a rebattu les cartes comme jamais au sein de l’hémicycle : les pacifistes habituels, devenus va-t-en-guerre, et les pro-russes, jusque-là tolérés avec amusement, devenus autant de parias infréquentables. Enfin, le déluge de fausses informations, la multiplication des cyberattaques, l’espionnage en interne qui polluent l’ambiance chaque jour davantage, à mesure qu’on se rapproche des élections. Et même si tous feignent de l’oublier, il y a tout-de-même eu le Brexit. Clairement, cela soude les équipes et cela approfondit les relations de travail – et donc en effet on a pu observer dans les couloirs et à la buvette de nombreux cas d’adieux déchirants, souvent d’ailleurs entre adversaires politiques.
De quels élus sur le départ pensez-vous que vous vous rappellerez durablement, Quentin Dickinson ?
A titre personnel, j’ai beaucoup aimé travailler avec Dominique RIQUET chez les centristes, avec Sylvie GUILLAUME chez les socialistes, avec Arnaud DANJEAN chez les LR, avec Philippe LAMBERTS chez les Verts – tous se sont montrés d’une infinie patience avec les journalistes, ce qu’on ne peut vraiment pas dire de tous les élus européens.
Mais je n’oublierai pas de sitôt le doyen, le Polonais Jerzy BUZEK (84 ans), ni le plus francophone des Allemands, Andreas SCHWAB, ni les champions ex-aequo de la longévité parlementaire (l’un et l’autre allemand), le démocrate-chrétien Rainer WIELAND et le socialiste Bernd LANGE – tous deux eurodéputés depuis 30 ans.
Et puis il y a ceux que j’ai hâte de gommer de mes souvenirs parlementaires : l’humoriste allemand Nico SEMSROTT, élu d’un parti antiparti, qui, à peine élu, plongea dans la dépression ; bilan de ses cinq années ici : deux questions écrites et quatre discours.
Bilan législatif mincissime aussi, à la mesure de son peu d’assiduité, pour le LR Brice HORTEFEUX, pourtant élu depuis vingt-cinq ans.
Faible bilan aussi pour l’Écossaise Heather ANDERSON, projetée au Parlement européen en cours de législature, en raison de la démission de sa tête de liste, mais son inactivité n’est vraiment pas de sa faute : le Brexit est arrivé, de sorte qu’elle n’a siégé que… quatre jours.
Enfin une mention spéciale pour le député non-inscrit slovaque Miroslav RADAČOVSKÝ ; cet ancien magistrat aura marqué à sa façon la fin de la législature, en souhaitant que la paix revienne dans le monde - et en lançant une colombe vivante dans l’hémicycle.
Les huissiers ont mis un certain temps à le capturer et à le relâcher à l’extérieur (le pigeon, pas l’élu).
Et maintenant, que se passe-t-il pour les 705 eurodéputés, désormais libérés de leur mandat ?...
Certains sont déjà partis en vacances, pour prendre le temps de souffler, de réfléchir tranquillement, de renouer avec leurs proches, négligés depuis leur élection ; ceux-là, ce sont les sortants qui ne se représentent pas. Les autres sont partis en campagne électorale dans leur pays d’origine, en escomptant une réélection – mais il y aura de nombreux déçus, car, à chaque élection, le Parlement européen est renouvelé pratiquement à concurrence de moitié.
Les élus se retrouveront par famille politique dès le lendemain de l’élection. Et votre éditorialiste préféré sera au rendez-vous de la rentrée parlementaire européenne officielle, pour vous décrire les contours de la nouvelle assemblée ; ce sera du 16 au 18 juillet.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.