Profitez de la chronique "Quoi de neuf en Europe ?" chaque semaine sur euradio. Retour sur l’actualité européenne avec Perspective Europe, l’association du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux.
Dans cet épisode, revenons sur les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler avec Leila Lefevre.
Alors dites-moi : Quoi de neuf en Europe ?
Rendons-nous d’abord en Ukraine, où les forces armées russes crient victoire dans la ville de Soledar, tandis que les autorités ukrainiennes la démentent. Celles-ci reconnaissent de fortes difficultés, mais maintiennent que les combats sont toujours en cours.
Difficile d’obtenir un seul son de cloche en temps de guerre… Que signifierait cette victoire pour la Russie ?
Pas une avancée révolutionnaire, mais ce serait déjà une petite victoire après une série de revers humiliants depuis septembre dernier. En plus, l’occupation de Soledar puis de Bakhmout permettrait d’ouvrir la voie vers des villes plus importantes dans la région.
Il faut garder à l’esprit que la conquête complète du Donbass reste un objectif clé pour la Russie, et leur comportement montre bien qu’ils sont prêts à tout pour l’obtenir.
Si vous nous en parlez aujourd’hui, c’est parce que leur comportement a changé ?
Oui, l’avancée russe est due à l’utilisation d’une nouvelle tactique. Elle consiste à s’approcher au maximum de la ligne de défense ukrainienne et à la briser par petits groupes, en plusieurs interventions stratégiques. Concrètement, chaque position ukrainienne doit affronter jusqu’à quatre vagues d’assaut ennemies.
Et cette méthode est efficace ?
On dirait bien, mais au prix de très nombreuses vies humaines, et pas seulement côté ukrainien. Il n’est pas possible d’avoir des chiffres précis pour l’instant, mais selon le Figaro, les Russes semblent avoir perdu beaucoup de soldats. Les dégâts matériels sont aussi immenses : il reste peu d’immeubles indemnes dans la ville.
La situation en Ukraine continue d’inquiéter toute l’Europe.
Assurément, et d’ailleurs la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, s’est rendue mardi à Kharkiv pour montrer son soutien.
Et de quel soutien parle-t-on ?
Selon Euractiv, la ministre est surtout venue réaffirmer le soutien de l’exécutif allemand vis-à-vis de la possible adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Même si bien sûr, elle n’a pas omis de mentionner la contribution active à l’effort de guerre, avec des aides financières et des livraisons de matériel.
Est-ce que c’était ce que les dirigeant·es ukrainien·nes attendaient ?
Pas vraiment, Kiev attend toujours des suites à sa demande de lourds chars d’assaut. Pour l’instant, l’Allemagne n’a pas répondu favorablement, et la France, le Royaume-Uni et les États-Unis non plus. Seule la Pologne se dit prête à fournir ce type d’équipements, ce au incitera peut-être d’autres pays à faire de même.
Affaire à suivre. Terminons cette discussion dans un autre pays : la Grèce. La cour pénale a annoncé la libération d’un migrant somalien condamné à 142 ans de prison. Que s’est-il passé ?
L’homme en question s’appelle Mohammad Hanad Abdi. Le Monde nous raconte qu’il a fui de la Somalie vers la Turquie, puis a payé un passeur pour arriver en Grèce. Le bateau transportait 35 personnes et la situation a rapidement dégénéré quand, à peine 20 minutes après le départ, le moteur s’est arrêté et l’eau a commencé à s’infiltrer à bord. Le passeur a obligé M. Hanad Abdi à prendre la barre en le menaçant avec une arme à feu.
Mais alors finalement cet homme n’était même pas passeur. Pourquoi la peine est aussi lourde ?
Pour comprendre, on doit remonter à 2014, quand la Grèce a promulgué sa loi sur l’immigration. Cette loi impose une peine minimale de dix ans à toute personne accusée d’avoir conduit un canot de réfugiés, même s’il est prouvé que ce n’est pas un·e passeur·se et qu’elle n’a pas été payée pour effectuer la traversée. En outre, la peine peut augmenter en fonction des circonstances aggravantes, à savoir 8 ans pour chaque personne transportée, et 15 ans pour chaque personne décédée.
Cette loi est fortement critiquée par les avocat·es des migrants accusés et certains député·es. Pourquoi ?
Parce qu’elle ne tient absolument pas compte du fait que les passeur·ses abandonnent très souvent les migrant·es sur les canots avant d’arriver sur les côtes grecques pour éviter l’arrestation. En fait, les demandeur·ses d’asile payent les pots cassés : ils ont des peines démesurées, et sont condamnés dans des procès bâclés, de quelques minutes seulement, en l’absence de traducteurs. En réalité, le cas de M. Hanad Abdi n’est pas isolé : il s’inscrit dans un phénomène global de criminalisation des demandeurs d’asile en Grèce.
Concrètement, est-ce qu’avec cette libération anticipée, on peut espérer que les choses changent ?
Ce cas, et celui de la libération de deux migrants afghans en décembre dernier montrent que les choses évoluent. Mais attention, pas de changement radical en vue : ces hommes ont toujours un casier judiciaire, ce qui risque de compromettre leurs chances d’obtenir l’asile, et à ce jour la loi n’a pas été abrogée.
Entretien réalisé par Cécile Dauguet.