Profitez de la chronique "Quoi de neuf en Europe ?" chaque semaine sur euradio. Retour sur l’actualité européenne avec Perspective Europe, l’association du master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux.
Dans cet épisode, revenons sur les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler avec Leila Lefevre.
Alors, dites-moi : Quoi de neuf en Europe ?
Une semaine très chargée sur le plan diplomatique, à commencer par la tournée surprise du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, en Europe. Au programme, rencontre avec ses homologues anglais, français et allemand à Londres et à Paris, puis discussions dans la capitale européenne.
Sa deuxième sortie du territoire ukrainien depuis le début de la guerre est donc portée sur l’Europe. Dans quel but ?
Pour Le Point, c’est d’abord l’occasion d’afficher le soutien de ses alliés, de les remercier, tout en rectifiant le tir avec l’UE, qui n’avait pas apprécié que l’unique visite à l’étranger du chef d’État en 2022 ait été réservée aux États-Unis.
Mais il ne s’agit pas uniquement d’une tournée pour faire plaisir à ses alliés.
Bien sûr, le président est venu avec des objectifs concrets. Kiev ne perd pas de vue l’objectif essentiel d’approvisionnement militaire : le pays a besoin d’avions de chasse et attend toujours que les chars promis par l’Europe soient livrés. L’accélération du processus d’adhésion à l’UE était aussi au centre des discussions.
En effet, l’Ukraine ne comptait pas repartir les mains vides, et a d’ailleurs aussi exprimé du mécontentement vis-à-vis des jeux olympiques.
Absolument, et les dirigeant·es ukrainien·es ont sans doute été déçus du choix des États-Unis de soutenir la proposition polémique du Comité international olympique. Selon Le Monde, celui-ci réfléchit depuis fin janvier à réintégrer les athlètes russes et biélorusses aux Jeux olympiques de 2024 sous bannière neutre.
Le CIO a été fortement critiqué à la suite de cette proposition.
Oui, Mykhaïlo Pololiak (conseiller du président) a parlé d’un comité promoteur de la guerre, du meurtre et de la destruction sur Twitter. Une réaction très forte, en cohérence avec celle du reste de l’exécutif ukrainien, qui juge la proposition du CIO inadmissible et menace de boycotter la compétition.
Et comment réagissent les pays européens ?
Pour l’instant, quelques pays ont annoncé soutenir l’Ukraine : Iles pays baltes, la Pologne, le Danemark et la République Tchèque.
Et la France dans tout ça ?
Pour l’heure, Paris ne se jette pas à l’eau et se contente de dire qu’il faut attendre la décision définitive du Comité. Mais il y a déjà des sons de cloche dissonants entre l’exécutif et les élus ; Anne Hidalgo, la maire de Paris, a déclaré mardi dernier qu’elle était fermement opposée à la venue des athlètes russes.
Et pour finir cette discussion, rendons-nous en Afrique, où le ton monte également entre l’Europe et le Maroc. Quelle est la cause de la colère à Rabat ?
D’abord, le Maroc n’a pas apprécié être mêlé au Qatargate, ce scandale qui secoue le Parlement européen, et dément toute accusation de corruption. Puis fin janvier, nouvelle provocation lorsque ce même Parlement adopte à une majorité écrasante une résolution critiquant les droits de l´homme au Maroc.
Un texte qui fait bien des étincelles… Que stipule-t-il exactement ?
Les député·es européen·nes appellent les autorités marocaines à respecter la liberté d’expression, et à accorder une libération temporaire et un procès équitable aux journalistes emprisonné·es.
Et si vous nous en parlez aujourd’hui, c’est parce qu’il y a eu de nouveaux développements ?
Absolument, l’ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a provoqué un tollé chez les ONG de défense des droits humains en affirmant que ce texte « n’engage aucunement la France ». L’exécutif semble donc dans l’embarras, alors que les eurodéputés français ont largement soutenu cette résolution. La pilule passe très mal pour les élus marocains, qui disent ne pas comprendre un tel acharnement de la part de leurs ami·es français·es.
Mais alors, est-ce que le gouvernement français soutenait cette proposition ?
Eh bien c’est justement la question que se pose Radio France internationale (RFI), et elle est parfaitement légitime. D’un côté, les eurodéputé·es français·es affirment n’avoir reçu aucune instruction de Paris, et de l’autre l’ambassadeur estime que le gouvernement n’est pas responsable des décisions prises au sein de l´hémicycle européen. Difficile de connaître la position du gouvernement français avec certitude, mais en tout cas, il fait tout pour temporiser.
Est-ce qu’on peut espérer une amélioration des relations franco-marocaines ?
C’est sans doute encore un peu tôt. M. Lecourtier a beau se distancer des décisions européennes, son explication ne convainc pas les autorités marocaines. Pour elles, Paris est responsable de cette situation et a orchestré une campagne anti-marocaine à Bruxelles.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.