Thibault Besnier est assistant académique du département d’études politiques et de gouvernance européennes (POL) du Collège d’Europe. Originaire d’Avignon, diplômé de Sciences Po Grenoble en Gouvernance Européenne et du département POL du Collège d’Europe, il est spécialisé dans les politiques publiques européennes de l’énergie. Il est l'auteur d'un mémoire dédié à la stratégie hydrogène de la Commission, ainsi que d'un autre à l’évolution des directives énergies renouvelables (RED)
La COP27 s’est achevée il y a un peu plus d’une semaine, peut-elle être qualifiée de succès pour l’Union Européenne ?
« Cette COP27 a été très décevante » c’est Frans Timmermans, le vice-président exécutif de la Commission lui-même qui s’est exprimé en ces termes dans un entretien avec Le Monde du 25 Novembre. Aucune avancée n’a eu lieu concernant la définition d’une stratégie de sortie des énergies fossiles ; de mise en œuvre de l’objectif des 1,5 degrés d’ici à 2050 ou encore sur la mise à jour des engagements climats des différents Etats prenant part à la COP.
Pire, l’Union a dû menacer de sortir des négociations pour éviter un retour en arrière sur les engagements pris lors de la COP26. La seule avancée obtenue par Frans Timmermans est la création d’un fond de compensation des pertes et dommages causés par le changement climatique pour les pays vulnérables, dont les contours sont encore flous. C’est pour cela qu’il qualifie l’objectif de 1,5 degré de réchauffement climatique maximum d’ici 2050 de « moribond ».
Face à ces résultats mitigés, pensez-vous donc que l’Union doive sortir du cadre des COP ?
Alors il est vrai que les raisons d’être optimiste pour la COP28, qui aura lieu dans une pétromonarchie du Golfe, les Emirats Arabes Unis, sont rares. Surtout, les attentes des pays en développement vis-à-vis de ce nouveau Fond vont très probablement être en décalage complet avec la vision des pays développés : la prochaine COP va donc être difficile même sur ce plan là.
Mais comme l’a souligné Frans Timmermans : l’Union Européenne ne peut réussir à contrer le changement climatique seule. Si elle reste le plus grand émetteur historique de Co2, elle ne représente aujourd’hui plus que 8% des émissions de gaz à effet de serre contre 30% pour la Chine par exemple. Et puis il y a des avancées positives : les USA comme la Chine investissent désormais massivement dans la transition écologique. L’Union Européenne doit donc continuer à s’engager pleinement dans les processus multilatéraux, malgré leurs limites.
Mais alors qu’est-ce que l’Union Européenne peut faire pour entraîner le reste du monde dans la transition écologique ?
A. Ce qu’elle peut faire, c’est s’appuyer sur les autres Etats prêts à agir pour la transition écologique. Ce peut être le cas du G7 par exemple, qui a déjà atteint des accords sur des objectifs climats bien plus ambitieux que ceux adoptés dans la COP, notamment sur la sortie des énergies fossiles. Ce cadre peut ainsi permettre une action ambitieuse par les pays parmi les plus pollueurs. Une autre initiative proche est la création de partenariats pour une transition énergétique juste, dont le premier a été signé lors de la COP26 par l’UE, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les USA d’une part et l’Afrique du Sud de l’autre. Ce genre de partenariat permet à l’UE de financer et d’accompagner directement la transition écologique de pays en développement. L’UE peut donc à la fois agir dans le cadre COP et agir au-delà, avec les Etats volontaires pour aller plus vite, plus loin.
Ce genre de coopération est-il efficace ?
C’est difficile à dire. D’une part les accords du G7 n’ont pas de force légale et il est difficile de juger de leur mise en œuvre pour l’instant. D’autre part, concernant les partenariats de transition énergétiques, ils sont trop récents pour qu’une évaluation de leur efficacité soit faite. En revanche il est clair que les montants impliqués dans ces partenariats sont insuffisants : lors de la COP26 les Etats développés s’étaient engagés à dépenses 100 milliards de dollars par an pour financer la transition écologique des autres Etats. Cette promesse n’a toujours pas été tenue et les partenariats signés par l’Union ne compensent pas cette réalité.
Pour conclure, l’Union doit certes coopérer avec ses partenaires du G7 mais aussi rester vigilante sur la mise en œuvre des accords de ce groupe. Et elle doit accroître son soutien aux pays en voie de développement, afin que leur transition écologique n’intervienne pas trop tard. Elle doit donc relever plusieurs défis : coopérer mais de manière vigilante, et accompagner la transition des autres pays tout en accélérant la sienne.
Entretien réalisé par Laurence Aubron