Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges.
Meloni a fait la une des journaux du monde entier avec sa promesse de réprimer les arrivées non autorisées en provenance d'Afrique du Nord avec des lois sur l'immigration plus strictes, des restrictions sur les organisations caritatives et les plans de sauvetage en mer. Maintenant elle parle de construire des camps migrants en Albanie…
Après une année sans résultats particuliers, avec l'échec de l'accord avec la Tunisie, la première ministre Giorgia Meloni tente de reprendre le contrôle du dossier des migrants.
Meloni change de front et signe un protocole d'accord avec l’Albanie qui prévoit - entre autres - la création de deux centres de rapatriement qui pourront accueillir jusqu'à 3000 personnes dites « irrégulières ». La juridiction italienne s'appliquera dans les deux centres de rapatriement. L'Albanie collabore à la surveillance externe des installations.
Cet accord a évidemment suscité de violents affrontements entre la majorité et l'opposition tant à Rome qu'à Tirana. Pour le moment il a été temporairement bloqué par la cour constitutionnelle albanaise. Donc on ne connait pas encore si cela va se débloquer, mais il est fort probable que le projet aboutira ; On aura la réponse d’ici le 6 mars.
Si l’accord passe, les migrants seront détenus dans ces centres le temps nécessaire au traitement des demandes d'asile et, le cas échéant, au rapatriement. On ne connait pas les détails de cet accord, mais il semble que les mineurs, les femmes enceintes et autres groupes vulnérables ne seront pas emmenés en Albanie.
Est-ce que cela représente vraiment un changement de direction dans la gestion de la migration ?
Celle que Meloni présente comme idée innovante, ne l’est pas.
Il s’agit d’une continuation des politiques d’externalisation de la gestion migratoire.
D’ailleurs on pourrait dire que le plan de Rome fait écho à une tentative du gouvernement britannique d'envoyer des milliers de demandeurs d'asile au Rwanda.
Mais pourquoi l’Albanie accepte un tel accord ?
Il est clair que la disponibilité de Rama (qui ne manque pas d'exprimer son amitié pour Meloni) est due au fait que l'Albanie attend depuis un certain temps pour accélérer le processus d'entrée dans l'Union européenne. C’est donc un accord favorable aux deux parties.
Quelle a été la réaction des institutions européennes ?
De son coté, Ursula VDL a défini l'accord Italie-Albanie comme étant "un modèle" à suivre.
L’évaluation préliminaire de la Commission est que l'accord entre l'Italie et l'Albanie ne viole pas le droit communautaire mais en est en dehors.
Le message semble être : faites ce que vous voulez pour autant que cela ne soit pas sur le sol européen.
C’est d’ailleurs l'incohérence d’une politique d’externalisation, qui apparaît en tension directe avec les engagements que les États européens ont pris en vertu du droit international pour protéger les demandeurs d’asile.
Ces dernières années, l’Union européenne a considérablement intensifié ses activités visant à externaliser la gestion des frontières/migrations vers les territoires de pays tiers. Ce modèle spécifique de gestion des migrations dans l’UE est souvent réalisé au détriment du contrôle démocratique, du contrôle judiciaire, de la transparence et, surtout, de la protection des droits de l’Homme.
Quel est l’impact pour les migrants et les demandeurs d’asile ?
Il ne faut pas oublier que ce type de gestion de migration est extrêmement répressif envers les ressortissants étrangers qui ont une sorte de statut inférieur en matière de liberté personnelle parce qu'ils ne sont pas citoyens de l'Union européenne. On peut donc se permettre de les enfermer dans des centres, et de les priver de leur liberté.
C’est par un discours qui présente la migration comme étant une menace pour nous, les occidentaux, les européens, que nos décideurs politiques justifient la mise en place d’instruments, de réponses politiques, qui privent les demandeurs d'asile d'une protection internationale de base, allant à l'encontre des valeurs de l'UE.
Et jusqu’à ce que la question migratoire ne soit vue comme une opportunité par l’UE, le risque est la continuation de ce type de politiques discriminatoires, une tendance en hausse.