L'Europe vue de Bruges

Le competitiveness compass

© European Union, 2025 -  EC - Audiovisual Service Le competitiveness compass
© European Union, 2025 - EC - Audiovisual Service

Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion Jacques Delors (2024-2025), des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.

Luca Magnier est étudiant en double master au Collège d’Europe à Bruges dans le département des Études Politiques et de Gouvernance Européennes (promotion Delors) et à la Fletcher School of Law and Diplomacy à Boston. Il est titulaire d’un Bachelor en Philosophie, Politique et Économie (PPE) de l'Université de Warwick, avec une année d’échange à Sciences Po Paris.

Franco-britannique, il s’intéresse aux investissements au sein de l’UE, notamment dans le venture capital, le private equity et l’Union des marchés de capitaux. Il a acquis une expérience en marchés financiers en tant que journaliste stagiaire aux Échos, où il a analysé l’actualité financière et rédigé plusieurs articles sur les indices mondiaux.

Au Collège d’Europe, il est co-président du Business Club, où il a organisé des visites au FMI et au European Business Summit.

Bonjour Luca. Vous venez aujourd’hui nous parler du Competitiveness compass, de quoi s’agit-il exactement ?

Cette boussole de la compétitivité a été lancée par la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen, le 29 janvier 2025. Elle servira de cadre économique pour guider la Commission européenne sur les cinq prochaines années. Ses objectifs ? Simplifier la bureaucratie, réunir fonds publics et privés pour investir dans les technologies clés et réduire la dépendance étrangère. L’objectif final est de relancer l’innovation en Europe, qui stagne depuis quelques années. Et ce travail se fera par le biais d’à peu près 47 propositions législatives et non-législatives d’ici fin 2026.

Quelle est l’origine de cette nouvelle approche ?

La guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie ont fortement impacté les industries européennes. De plus, avec l’essor de politiques industrielles aux Etats-Unis et en Chine, cela devient de plus en plus dur pour l'Europe de rester compétitive à l'échelle mondiale. Par exemple, le marché des voitures électriques européennes a souffert face à l’arrivée massive de modèles chinois bon marché, comme ceux de BYD, ou SAIC. En octobre, l’entreprise allemande Volkswagen a annoncé la fermeture de trois usines et le licenciement de milliers de personnes.

Le travail des hommes politiques italiens Enrico Letta et Mario Draghi a contribué à repenser l’économie européenne et à la rendre plus performante. Ils ont tiré la sonnette d’alarme : Letta, ancien Premier ministre italien, a écrit un rapport en avril 2024 sur le marché unique. Draghi, ex-président de la BCE, a rendu un rapport en septembre sur la compétitivité européenne. Leur constat est sans appel : l’Europe est en déclin économique.

Depuis l’an 2000, le PIB par habitant a progressé deux fois plus vite aux États-Unis que dans l’UE. Après la pandémie, l’écart s’est encore creusé : la croissance américaine a été plus de deux fois supérieure à celle de l’UE. Et un dernier chiffre qui frappe : sur les 50 plus grandes entreprises technologiques mondiales, seules quatre sont européennes. Si rien ne change, il y aura une désindustrialisation et des difficultés économiques majeures. Letta et Draghi appellent à investir davantage (Draghi conseille un investissement annuel de 800 milliards) et à réformer le marché unique pour le rendre plus intégré.

Quelle forme prendra cette boussole de la compétitivité ?

Cette boussole repose sur trois piliers : l’innovation, la décarbonation et la sécurité économique.

D’abord, l’innovation : les start-ups auront plus d’accès aux financements, notamment dans des secteurs stratégiques comme la biotech, le quantique ou la robotique.

Ensuite, la décarbonation : avec des projets comme le Clean Industrial Act, l’Europe veut produire une énergie plus verte et moins chère.

Enfin, la sécurité économique : l’UE va accélérer la signature d’accords de libre-échange (déjà au nombre de 76) pour sécuriser son accès aux matériaux critiques.

Pour réussir ce retournement de situation, cinq outils sont prévus.

D’abord, la simplification des normes environnementales, notamment avec la législation Omnibus, et une réduction de 25 % des formalités administratives pour les entreprises.

Ensuite, la suppression des barrières au sein du marché unique pour faciliter les échanges.

Troisième axe : un marché du capital plus efficace, avec l’Union de l’épargne et de l’investissement, qui doit accélérer le financement des secteurs stratégiques comme la recherche et la défense.

Quatrième levier : une main-d’œuvre mieux formée, plus adaptée aux défis économiques et technologiques.

Enfin, un meilleur alignement entre les États membres et l’Union européenne grâce à un fonds de compétitivité et un nouvel outil de coordination. Ce dernier servira à mettre en place une véritable politique industrielle et d’investissement commune.

À l’heure où Trump bouscule l’ordre mondial, l’Europe ne devrait-elle pas enfin se doter d’une politique capable de la rendre plus forte ?

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

Sources :

- European Commission, A Competitiveness Compass for the EU, 2025

- European Commission, An EU Compass to regain competitiveness and secure sustainable prosperity, 2025

- European Parliament, A competitiveness compass for the EU, 2025

- European Commission, The future of European competitiveness, 2024

- European Consilium, Much more than a market, 2024