Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Bonjour Lyudmyla Tautiyeva ! Le 20 janvier, Donald Trump a été investi 47e président des États-Unis – un évènement majeur suivi de très près, partout dans le monde, au vu des effets que la deuxième présidence de Trump pourrait avoir sur l’Europe et la guerre en Ukraine.
L’impact de la deuxième présidence de Trump sur la guerre en Ukraine et sur la sécurité au sein du continent européen va être décisif. Les États-Unis sont actuellement le premier fournisseur de l’Ukraine en armes, et le partenaire numéro un de l’Europe dans le cadre de l’OTAN. Pourtant, lors de son discours inaugural, Trump n’a pas dit un mot sur cette situation, préférant rester dans sa ligne directive classique Make America Great Again, en parlant notamment de l’immigration, de l’économie et de l’instauration de l’état d’urgence sur la frontière du sud des États-Unis, promettant l’avènement d’un « Âge d’or » pour le pays. Il s’est d’ailleurs déclaré vouloir être un « artisan de la paix » et un « unificateur ».
À plusieurs reprises, Donald Trump a dit souhaiter l’arrêt de la guerre en Ukraine une fois au pouvoir. Il s’apprêterait d’ailleurs à parler à Vladimir Poutine. L’envoyé spécial sur l’Ukraine, Keith Kellogg, a déjà annoncé vouloir trouver une solution à la guerre en Ukraine dans les 100 premiers jours de la présidence Trump.
Cela a changé par rapport à la promesse de la campagne électorale de Trump d’arrêter la guerre en Ukraine en 24h.
Après sa victoire aux élections présidentielles, Trump a changé son discours, ayant très probablement compris que cela prendrait plus de temps, et demanderait une pression et des négociations poussées avec l’Ukraine et la Russie.
Le problème est que cette pression risque de ne pas être égale. L’Ukraine, épuisée par la guerre, a perdu beaucoup de terrain au cours de l’année 2024. La Russie d’autre part a dernièrement fait des avancées, en réorganisant notamment son économie en une véritable économie de guerre .
Lyudmyla, comment justement Poutine a t-il réagit à l’investiture de Donald Trump ? Est-ce qu’il parait ouvert aux négociations sur la paix en Ukraine ?
Poutine a officiellement félicité Trump lors de son investiture, et a déclaré être ouvert au dialogue avec les États-Unis. Il a précisé que ce dialogue porterait sur l’établissement d’une paix durable, se « basant sur le respect de tous les gens et tous les peuples qui habitent dans cette région ». En disant cela, Poutine remet en cause l’existence même d’un État ukrainien en faisant référence à une région, et non à l’Ukraine. Il nie également l’existence d’une civilisation et d’une culture ukrainienne, en sous entendant l’existence de différents peuples et non d’un seul peuple ukrainien. Ces mêmes éléments de langage apparaissent également dans le discours de Poutine dans la nuit du 23 au 24 février 2022, lorsqu’il avait annoncé l’invasion de l’Ukraine.
En d’autres mots, Poutine n’a pas abandonné son idée de détruire l’état ukrainien, d’interdire son existence en effaçant son peuple et sa culture. Une paix acceptable pour Poutine sera alors une paix qui contribue à l’anéantissement d’un état ukrainien indépendant.
Mais cette paix ne sera pas acceptée coté ukrainien, et le Président Zelensky a son mot à dire dans une négociation éventuelle.
Le Président Zelensky, en félicitant Trump lors de son investiture, s’est dit prêt à travailler avec les États-Unis pour une « paix véritable », précisant que cette opportunité devait perte saisie. Une paix véritable signifierait pour les ukrainiens une justice rendue envers les crimes de guerre commis par la Russie, la réhabilitation des terres occupées par l’armée russe, les garanties d’une sécurité fiable, et la reconstruction de l’Ukraine.Il y a malheureusement peu de chances que Trump mette cette pression à la Russie.
Les conditions de la paix en Ukraine détermineront l’architecture de la sécurité en Europe, mais aussi la position stratégique de l’Occident face à d’autres régimes non-démocratique spour les années à venir, à travers des implications économiques et sociales majeures. C’est alors à Trump de jouer sa carte et à l’Europe de réagir avec force et détermination en sachant qu’une partie de son avenir se joue en Ukraine.
Un entretien réalisé par Laurent Pététain.