AntiClash - La revue de presse européenne

Défense européenne : le thème du réarmement (Partie 2) - Anticlash #6

© Ministry of Defense of Ukraine Défense européenne : le thème du réarmement (Partie 2) - Anticlash #6
© Ministry of Defense of Ukraine

Bienvenue sur euradio ! Voici la revue de presse européenne d’AntiClash, un podcast qui explore les sujets polémiques par le dialogue. Dans cette chronique présentée par Laurent Lanfranchi et Rafael Tyszblat, nous vous proposons une revue partielle de la presse européenne, avec notre analyse. 

Ce mois-ci, nous allons continuer de parler de défense Européenne et de l’Ukraine.

Les désaccords stratégiques européens se sont transformés en véritables tensions au cours des dernières semaines avec les sorties du Pape, appelant les Ukrainiens à “avoir le courage de hisser le drapeau blanc”, et d’Emmanuel Macron et du chef de la défense néerlandaise qui, au contraire, n’ont exclu aucun scénario pour défendre l’intégrité ukrainienne.

Dans les presses européennes, les réactions à l’appel du Pape ont été majoritairement critiques. La politologue Rosita Garškaitė-Antonowicz, pourtant dans une société lituanienne très concernée par le conflit, et secouée par les propos du Pape, tente de comprendre l’attitude de ce dernier sur le portail libéral-conservateur lithuanien LRT:

Nous avons un pape argentin qui voit la guerre en Ukraine du point de vue du Sud global comme un conflit mondial entre les intérêts impériaux, la Russie et l’Occident. Ses conséquences en Afrique sont une crise alimentaire qui s’aggrave.” Pour lui, l'arrêt de la production d’armes “résoudrait le problème de la faim dans le monde.”

LRT, 13/03/2024

https://www.lrt.lt/naujienos/nuomones/3/1935448/rosita-garskaite-antonowicz-10-popieziaus-pranciskaus-metu

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le chemin que semblent prendre les dirigeants actuels de l’Europe. Pour le média belge Politico, qui a interrogé de nombreux décideurs européens, les choses sont claires: “L’Europe se prépare à la guerre”. Dans la perspective d’une victoire russe en Ukraine, d’une extension du conflit au Proche Orient, d’une possible attaque de la Chine sur Taiwan, et avec la possibilité d’un retour de Trump au pouvoir aux Etats-Unis, cette priorité va probablement surpasser toutes les autres, y compris l’écologie ou la compétitivité. 

Politico, 15/02/2024

https://www.politico.eu/article/is-world-war-looming-europe-policy-pivot-reveal-leader-fear/

George Papageorgiou pour Protothema en Grèce estime quant à lui que les idées humanitaires et socialistes visant à promouvoir la paix et le développement économique durable sont “étouffées par le bruit et la peur de la guerre, tandis que les socialistes et le centre gauche, qui sont historiquement censés les servir, sont « à genoux » dans toute l'Europe et observent en silence l'avancée du Extrème droite. Les parallèles et les similitudes avec les périodes précédant la Première et la Seconde Guerre mondiale sont effrayantes.”

Protothema, 10/03/2024

https://www.protothema.gr/blogs/g-x-papagewrgioy/article/1475557/pame-polemo/ 

Le 5 mars, la Commission européenne a présenté une stratégie et un programme pour dynamiser l'industrie militaire européenne. Pour Valasz online en Hongrie, ce renforcement d’une Europe de la défense passera nécessairement par un approfondissement de l’Union vers un Etat-Fédéral, puisqu’il n’existe pas de sujet plus régalien que celui de l’armée.

Valasz Online, 07/03/2024

https://www.valaszonline.hu/2024/03/07/eu-fegyver-bizottsag-penz-hadero-europa-ukrajna-haboru/ 

David Miliband, président de l’International Rescue Committee, espère aussi dans Politico que les élections européennes fassent ressortir le meilleur de l’Europe: le retour de Trump dans le bureau ovale est une possibilité, mais la marge de manoeuvre des démocrates de Joe Biden, plus internationalistes, est de toute manière réduite. L’Europe sait se montrer “dotée de principes, morale, unie et efficace” comme elle l’a montré lors des crises majeures: celle, financière de 2008, celle de la Covid 19. Il faut, selon lui, qu’elle se montre aussi à la hauteur face aux divers conflits (Soudan, Gaza, Ukraine) ainsi que face aux enjeux migratoires.

Politico, 16/03/2024

https://www.politico.eu/article/eu-elections-vote-need-bring-out-best-of-europe-not-the-worst/

Alors l’Ukraine doit-elle négocier et renoncer à libérer le Donbass et la Crimée, ou l’Europe doit-elle muscler sa défense pour stopper l'expansionnisme Russe ? Surtout, l’Europe tiendra-t-elle compte des opinions de ses peuples dans cette décision ?

Les gouvernements libéraux en place en Europe sont fébriles à l’approche des élections européennes et au basculement à droite voire à l’extrême droite de l’électorat européen.

Il faut bien voir que les crises successives endurées par les populations créent des marqueurs différents selon les pays: changement climatique et crise économique sont au centre des préoccupations des pays de l’ouest de l’Europe, tandis que la guerre en Ukraine est au centre de celles des Estoniens, Polonais ou Danois pour ne citer qu’eux.

Les interventions du Pape et d’Emmanuel Macron ont de nouveau montré le besoin d’une politique propre à rassembler les peuples du vieux continent. 

Mais que pensent les peuples européens de ces décisions potentiellement lourdes de conséquences ? Et comment leur donner la parole sur un sujet d’une telle envergure ? Référendum, consultation large de partis et d’associations… Ces solutions présentent des avantages et des défauts mais mériteraient néanmoins d’être évoquées. 

En attendant, c’est par le vote que les européens vont s’exprimer au mois de juin. L’avènement d’une coalition d’extrême droite au parlement européen pourrait signifier un blanc seing à la Russie sur l’Ukraine, avec le choix d’une paix souverainiste, tandis que l’Europe sociale libérale devra nécessairement faire le choix de s’unir dans une direction fédérale, pour défendre sa vision de l’avenir.

A Anticlash, on aimerait vraiment voir l’Union Européenne jouer un véritable rôle de médiateur entre l’Ukraine et la Russie, et, pour ce faire, qu’elle s’en donne les moyens, avec le soutien de ses peuples.

Mais une bonne médiation dépend sans doute d’une aura diplomatique respectée par les différentes forces en présence sur un échiquier mondial mouvant et périlleux. Nous restons donc avec cette question: peut-on empêcher les guerres, et susciter un intérêt partagé pour la paix autrement que par la crainte d’une défaite militaire? On espère des débats éclairants et constructifs lors de cette campagne.