AntiClash - La revue de presse européenne

Défense européenne : le thème du réarmement (Partie 1) - Anticlash #5

Marek Studzinski sur Unsplash Défense européenne : le thème du réarmement (Partie 1) - Anticlash #5
Marek Studzinski sur Unsplash

Bienvenue sur Euradio! Voici la revue de presse européenne d’AntiClash, un podcast qui explore les sujets polémiques par le dialogue. Dans cette chronique présentée par Laurent Lanfranchi et Rafael Tyszblat, nous vous proposons une revue partielle de la presse européenne, avec notre analyse. 

Ce mois-ci, nous allons parler de défense Européenne. Le thème du “réarmement” est en vogue en Europe alors que le sort de l’Ukraine est de plus en plus fragilisé par les débats autour du soutien militaire face à une armée Russe très tenace. Le 10 février, Donald Trump a prononcé un discours très offensif contre les Etats de l'OTAN qui ne consacrent pas suffisamment de fonds à leur défense mais qui bénéficient néanmoins de la protection de l'alliance. L'ex-président et candidat a annoncé que les Etats-Unis, s'il était élu, ne soutiendraient plus ces pays en cas d'attaque russe, et qu'il inciterait même Moscou à “faire ce qu'elle veut" avec eux. Un discours qui a provoqué de nombreux commentaires de la presse européenne alors que la réélection de Trump semble de plus en plus crédible.

Nombre d’entre eux, comme la Stampa en Italie, ont fait part de leur crainte d’une mise à exécution prochaine des menaces de Trump et la fin prochaine de l’OTAN si l’Europe ne s’engage pas à muscler sa défense. En Pologne, un article de Wiadomosci a même fustigé les partisans de Trump, qui pensent que leur pays serait à l’abri d’un lâchage des Etats-Unis juste parce qu’il dépasse l’engagement de dépenser 2% de son PIB à la défense. 

La Stampa, 12/02/2024

https://www.lastampa.it/editoriali/lettere-e-idee/2024/02/12/news/donald_scarica_europa-14063339/ 

Wiadomosci.onet, 11/02/2024

https://wiadomosci.onet.pl/opinie/wierze-donaldowi-trumpowi-dlatego-boje-sie-o-nasze-bezpieczenstwo-opinia/1qq7k08 

Echo24, en République Tchèque prend une posture réaliste, en rappelant que “même si l’Union européenne se vante d’avoir assuré la paix sur le continent après la Seconde Guerre mondiale, en réalité l’intégration européenne en est la conséquence et non la cause. La paix était assurée par la présence américaine en Europe.” et c’est d’ailleurs pourquoi selon l’article, de nombreux pays en ont profité pour réduire leurs budgets de défense.

Echo24, 13/02/2024

https://www.echo24.cz/a/H9tWZ/komentar-smigol-usa-evropa-trump-bez-dospelaci-nato 

Quoi qu’il en soit, de nombreux journaux européens, de la Suède à la Slovaquie et à l’Espagne, considèrent que cet avertissement de Trump constitue une occasion pour l’Europe de consolider sa défense rapidement. Postimees en Estonie explique que ce renforcement doit surtout être qualitatif car, si L’Europe dépense en fait trois fois plus que la Russie en défense, elle n’est pas si forte car elle manque surtout de coordination. En Allemagne, Taz explique que c’est l’absence d’une telle coordination et le manque d’élaboration stratégique en Ukraine qui “devrait nous inquiéter plus que n’importe lequel des slogans de campagne de Donald Trump.”

El Mundo, 13/02/2024

https://www.elmundo.es/opinion/editorial/2024/02/13/65ca6309e9cf4afa5e8b4578.html 

Postimees, 11/02/2024

https://arvamus.postimees.ee/7957897/juhtkiri-euroopa-peab-suutma-end-ise-kaitsta 

Taz, 14/02/2024

https://taz.de/Reaktionen-auf-Trumps-Nato-Aussage/!5989041/

En Pologne encore, particulièrement craintive de l'expansionnisme russe, Rzeczpospolita estime que même si les Européens dépensent plus que la Russie, “ils souffrent aujourd’hui d’énormes lacunes dans de nombreux systèmes nécessaires sur le champ de bataille, [et] devront rattraper les décennies pendant lesquelles ils ont compté sur les États-Unis.”  Mais il s’agit surtout de volonté politique. “S'il est évident que l'Américain de New York mourra pour celui de Los Angeles, il est plus difficile de savoir si l'Espagnol le fera pour le Polonais.” Et de conclure : “tant qu’il n’y aura pas un sentiment de solidarité entre tous les Européens, il sera très difficile pour notre continent de se défendre.”

Rzeczpospolita, 13/02/2024

https://www.rp.pl/opinie-polityczno-spoleczne/art39831201-jedrzej-bielecki-europa-nie-obroni-sie-przed-rosja-bez-usa

Mais de quelle solidarité parle-t-on ? En Grèce, Naftemporiki regrette le discours qui circule sur l’idée de partager l’arme nucléaire entre européens. Une réticence surtout vis-à-vis de l’Allemagne qui a signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Surtout, le journal explique que “penser que la doctrine de la dissuasion nucléaire crée la sécurité est un mythe” et appelle à un nouveau système de sécurité international, sous l’égide de l’ONU. 

Naftemporiki, 13/02/2024

https://www.naftemporiki.gr/opinion/1589260/polemos-se-pente-chronia/

A AntiClash, nous ne pouvons que faire le même appel à une refondation du système des relations internationales qui ne devraient pas être soumises aux coups de sang des dirigeants les plus puissants ni sacrifier les plus faibles. Il nous semble que l’Europe resterait fidèle à ses valeurs si elle menait la voie vers cette refondation. 

Il est difficile de cerner les intentions russes et d’évaluer la menace qu’elle fait peser sur le reste de l’Europe. Mais l’histoire prouve qu’il n’est jamais à exclure qu’un pays souhaite étendre son influence, y compris par les armes. Oui, la défense, si elle est considérée comme importante, doit être assurée par tous ceux à qui elle profite et qui en ont les moyens. Mais au-delà de l’Otan, c’est l’identité d’une Europe indépendante sur le plan stratégique qui est en jeu. Et la sortie de Trump, même si elle est terrible du point de vue de l’éthique américaine, aura eu le mérite de reposer une question importante : l’Europe est-elle en capacité de se défendre face à un agresseur potentiel, y compris sans l’allié américain ?

Et plus fondamentalement encore : les sociétés européennes vont-elles accepter des dépenses supplémentaires en défense, potentiellement au détriment d’autres services publics, et sont-elles prêtes à utiliser leurs ressources pour venir au secours les unes des autres ? Même si les questions de défense relèvent en général de la “raison d’Etat” et de la compétence des dirigeants, et même si c’est surtout en diplomatie et en prévention des conflits que nous espérons voir l’europe exceller, il serait utile dans le cadre de l’approfondissement de la construction européenne, que les citoyens s’emparent de ces sujets et puissent enfin avoir l’occasion d’affirmer leur solidarité mutuelle.