Le Laboratoire d’Innovation Pédagogique sur l’Europe (LIPE) propose, de manière accessible, des approches transversales de l’histoire européenne du genre, des guerres, de l’art, des circulations et des réseaux, des grandes idéologies et débats politiques.
Le LIPE vous donne rendez-vous pour la chronique "Europe in a soundbite" chaque jeudi à 8h sur euradio.
Quand les reporters de guerre apparaissent-ils ?
Au milieu du XIXe siècle. En effet, si les premiers reporters – Fenton, Robertson ou Beato – se manifestent aux alentours de la guerre de Crimée (1853-1856), c’est que leur voix peut désormais porter efficacement grâce à la généralisation des bateaux à vapeur, à l’apparition du chemin de fer et du télégraphe. Leur travail de terrain conjugué aux évolutions technologiques permet l’immédiateté de la diffusion de l’information.
Qui pratique cette profession ?
Hommes ou femmes, les reporters sont journalistes, écrivains ou penseurs, militaires ou civils, avant que l’activité ne se professionnalise au XXe siècle. Ils peuvent être célèbres, le devenir grâce à leurs enquêtes ou rester anonymes. Parmi les grands noms du genre, on compte Saint-Exupéry, Kessel, Malaparte, Hemingway, Leroux ou encore Tolstoï. Tous, néanmoins, sont des voyageurs et des aventuriers dans l’âme. Certes ils ne sont plus systématiquement armés comme l’était Albert Londres traversant l’Albanie en 1915, mais ils restent au cœur de l’action et participent pleinement de l’expérience combattante, au risque de leur intégrité physique et même de leur vie. La plupart manient la plume mais si la production écrite demeure la norme, la mise en images a été très tôt associée aux reportages.
Que dit de la guerre un reporter ?
Tout d’abord il décrit la guerre, se plaçant comme témoin et narrateur. Son récit au ras du sol croise la grande histoire quitte à l’enjoliver, participant parfois à la construction de mythes. Ensuite, le reporter commente la guerre : ses buts, sa signification, son absurdité. Il mène l’enquête à la manière d’un historien du présent, même si son manque de recul face à l’événement lui est souvent reproché. Enfin, il vit la guerre au quotidien, au plus près des combattants et des civils et, à ce titre, il se fait l’avocat autant que le juge de la situation qu’il rapporte. Loin d’être seulement un chroniqueur, c’est un auteur, se positionnant à la frontière de la diffusion des savoirs et des émotions.
Subissent-ils des contraintes sur le front ?
La relation entre reporters et militaires est complexe. Les premiers privent les seconds du monopole de l’information en temps de guerre mais restent bien souvent dans le sillage des forces armées, une proximité qui peut conduire à l’instrumentalisation de leur travail par les belligérants. Si désormais l’armée dispose de ses propres « Reporters Défense », la frontière entre correspondants et agents de propagande a souvent été franchie dans le passé et continue d’être ténue. À ce titre, les trajectoires de Vassili Grossman et de Konstantin Simonov sont emblématiques. Suivant l’avancée de l’Armée rouge, ils ont publié de nombreux articles par lesquels ils ont contribué à la mobilisation des esprits en URSS pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais contrôlés, censurés, voire porte-parole des propagandes de guerre, les reporters de gurre n’en remplissent pas moins une « mission » : celle d’informer.
Cette capsule « Europe in a soundbite» a été conçue par Simon Perego à partir de la notice EHNE Reporters de guerre de Mathieu Jestin.
Photo via le Ministère des Armées.