A peine entrée au patrimoine immatériel de l'Unesco, la baguette serait-elle déjà menacée ?
En tout cas, les artisans boulangers qui la façonnent font face depuis plusieurs mois, à l’envolée de leur factures. Due à la fois à la hausse des prix des matières premières et de l'énergie. Une hausse qu’il ne peuvent répercuter sur leurs prix qu’à minima, sous peine de faire fuir les clients. Ce qui pousse toute une profession à s'adapter.
A l’image d’Éric Marché, boulanger à Nantes, ils sont nombreux à avoir changé leur façon de produire. Pour réaliser des économies d’énergies.
"Sur la gestion de nos cuissons on a fait des choix importants. C'est à dire qu'on fait très attention à l'allumage ou à l'extinction des fours dès que les cuissons sont terminées. Où au remplissage des fours, c'est à dire que maintenant on fait très attention à ce que le remplissage soit optimisé."
Il bénéficie pourtant d'un prix bloqué sur l'énergie, et n’a connu qu’une faible hausse, par rapport à ce qu’ont pu connaître certains de ses collègues.
Pour les artisans boulangers, la période de la galette est particulièrement importante. “C’est ce qui nous permet de constituer une avance de trésorie, pour le reste de l'année, pour les périodes les plus faibles."
Cette année néanmoins, cela s’annonce plus complexe.
“Ça va être compliquée, je ne vous le cache pas. On a des marges qui se sont considérablement réduites. Je me suis livré à un petit calcul, sur notre galette, vendue chez nous aux alentours de 24 euros, la galette de huit personnes, frangipane, il nous reste en bénéfice net par galette, 58 centimes. "
Si pour lui les aides mises en place par le gouvernement, sont accessibles. Ce n’est pas l’avis de Madame Trémoireux, qui tient une boulangerie située à deux pas de l’Erdre, à Nantes. Elle, est bien plus impactée par la hausse prix de l’énergie, et a arrêter toute production l’après-midi.
“On a subi quand même, une augmentation à partir du premier novembre, on est passé de 100 euros le mégawattheure à 220. Et entre Noël et le nouvel an on reçu un autre courrier, nous annonçant une hausse de 220 à 320 pour le 1er février. Donc on ne sait pas jusqu’où on va aller”
Pour elle aussi en ce début d'année c’est objectif trésorerie
“D’habitude c’est la meilleure période de l’année en terme de trésorerie et en terme de rentabilité. Malheureusement cette année, c'est un peu plus compliqué. Les prix des matières premières se sont envolés. Quand vous prenez un beurre AOP, on était à 4,50-5 euros le kilos, on est passé à 12-14 euros, la caisse d'oeufs à été multiplier par 2."
Quant aux nouvelles aides annoncées par le gouvernement, pour l’épiphanie. Elle les juge encore insuffisantes.
"Dans l'état actuel des choses c'est largement peu insuffisant. Il va falloir que les lignes bougent un peu plus que ça sinon ça va être très compliqué."
La France et l'Allemagne sont les deux seuls pays européen ayant mis en place un bouclier tarifaire. Chez nos autres voisins, c'est la baisse d'impôt qui est privilégié. l'Italie a ainsi baissé la TVA à 5% pour l'électricité, une mesure également adopté par l'Espagne pour le gaz.
Les deux artisans boulangers s’accordent au moins sur un point, à savoir l’impossibilité pour eux de se projeter dans le futur.
E. M. "Aujourd'hui il n'y aucune projection possible"
T. “Et on travaille vraiment au jour le jour, dans le brouillard, on ne sait pas où on va".
En ce mois de Janvier, acheter une baguette ou une galette auprès d’un artisan boulanger semble donc être tout sauf un geste anodin.
Un reportage réalisé par Vincent Le Pape